La coupe, le jugement

Textes du Nouveau Testament, traduction officielle liturgique (©AELF):

La coupe de l’alliance
Luc 22, 20-22:

20 Et pour la coupe, après le repas, il fit de même, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous.
21 Et cependant, voici que la main de celui qui me livre est à côté de moi sur la table.
22 En effet, le Fils de l’homme s’en va selon ce qui a été fixé. Mais malheureux cet homme-là par qui il est livré ! »

La coupe de la passion
Matthieu 20, 17-28

17 Montant alors à Jérusalem, Jésus prit à part les Douze disciples et, en chemin, il leur dit :
18 « Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes, ils le condamneront à mort
19 et le livreront aux nations païennes pour qu’elles se moquent de lui, le flagellent et le crucifient ; le troisième jour, il ressuscitera. »
20 Alors la mère des fils de Zébédée s’approcha de Jésus avec ses fils Jacques et Jean, et elle se prosterna pour lui faire une demande.
21 Jésus lui dit : « Que veux-tu ? » Elle répondit : « Ordonne que mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans ton Royaume. »
22 Jésus répondit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? » Ils lui disent : « Nous le pouvons. »
23 Il leur dit : « Ma coupe, vous la boirez ; quant à siéger à ma droite et à ma gauche, ce n’est pas à moi de l’accorder ; il y a ceux pour qui cela est préparé par mon Père. »
24 Les dix autres, qui avaient entendu, s’indignèrent contre les deux frères.
25 Jésus les appela et dit : « Vous le savez : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir.
26 Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ;
27 et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave.
28 Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. »

Luc 22, 14-22

14 Quand l’heure fut venue, Jésus prit place à table, et les Apôtres avec lui.
15 Il leur dit : « J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir !
16 Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement accomplie dans le royaume de Dieu. »
17 Alors, ayant reçu une coupe et rendu grâce, il dit : « Prenez ceci et partagez entre vous.
18 Car je vous le déclare : désormais, jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. »
19 Puis, ayant pris du pain et rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. »
20 Et pour la coupe, après le repas, il fit de même, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous.
21 Et cependant, voici que la main de celui qui me livre est à côté de moi sur la table.
22 En effet, le Fils de l’homme s’en va selon ce qui a été fixé. Mais malheureux cet homme-là par qui il est livré ! »

Luc 22, 39-44

39 Jésus sortit pour se rendre, selon son habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent.
40 Arrivé en ce lieu, il leur dit : « Priez, pour ne pas entrer en tentation. »
41 Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. S’étant mis à genoux, il priait en disant :
42 « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que soit faite non pas ma volonté, mais la tienne. »
43 Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait.
44 Entré en agonie, Jésus priait avec plus d’insistance, et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient sur la terre.

Le jugement
Luc 22, 23-30

23 Les Apôtres commencèrent à se demander les uns aux autres quel pourrait bien être, parmi eux, celui qui allait faire cela.
24 Ils en arrivèrent à se quereller : lequel d’entre eux, à leur avis, était le plus grand ?
25 Mais il leur dit : « Les rois des nations les commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs.
26 Pour vous, rien de tel ! Au contraire, que le plus grand d’entre vous devienne comme le plus jeune, et le chef, comme celui qui sert.
27 Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert.
28 Vous, vous avez tenu bon avec moi dans mes épreuves.
29 Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi.
30 Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël.

La coupe de la colère
Apocalypse 14, 9-13:

09 Un autre ange, le troisième, vint à leur suite. Il disait d’une voix forte : « Si quelqu’un se prosterne devant la Bête et son image, s’il en reçoit la marque sur le front ou sur la main,
10 lui aussi boira du vin de la fureur de Dieu, versé sans mélange dans la coupe de sa colère ; il sera torturé par le feu et le soufre devant les anges saints et devant l’Agneau.
11 Et la fumée de ces tortures monte pour les siècles des siècles. Ils n’ont de repos ni le jour ni la nuit, ceux qui se prosternent devant la Bête et son image, et quiconque reçoit la marque de son nom. »
12 C’est ici qu’on reconnaît la persévérance des saints, ceux-là qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus.
13 Alors j’ai entendu une voix qui venait du ciel. Elle disait : « Écris : Heureux, dès à présent, les morts qui meurent dans le Seigneur. Oui, dit l’Esprit, qu’ils se reposent de leurs peines, car leurs actes les suivent ! »


La coupe

Cet article vient à la suite de l’article L’arbre de la vie car c’est de l’arbre de la croix, du côté transpercé du Christ que coulent les fleuves d’eau vive, fleuves inépuisables de l’amour et du pardon de Dieu. Et Dieu nous offre sa vie, l’eau et le sang qui ont coulé de son côté dans la coupe d’alliance.

Dans l’Evangile, Jésus nous parle d’une coupe, celle qu’il doit boire et que les apôtres boiront aussi:

Jésus leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire, être baptisé du baptême dans lequel je vais être plongé ? » Ils lui dirent : « Nous le pouvons. » Jésus leur dit : « La coupe que je vais boire, vous la boirez ; et vous serez baptisés du baptême dans lequel je vais être plongé. (Marc 10, 38-39)

Mais la coupe dont il parle c’est la souffrance de la passion, c’est la coupe qui va être remplie de son propre sang, la coupe qui est remplie du sang de tous les martyrs, de tous les justes persécutés, de tous les innocents injustement condamnés, tués.

Allant un peu plus loin, il tomba face contre terre en priant, et il disait : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme moi, je veux, mais comme toi, tu veux. (Matthieu 26, 39)

Jésus a choisi d’aller jusqu’au bout de l’amour, de plonger dans l’eau de notre humanité, de se faire tellement l’un de nous, qu’il va être confondu avec les pécheurs et les criminels. Renoncer à la majesté de sa condition divine l’aurait exposé à la risée des hommes. Mais c’était le seul moyen de leur prouver la sincérité et la gratuité de son amour. Il ne cherchait pas son intérêt, mais notre salut. Voici le baptême dans lequel il allait être plongé. Il a accepté de mourir pour nous sauver, pour nous révéler le visage miséricordieux du Père dans lequel nous n’osons pas croire, vue l’étendue de nos fautes. Pourtant ce baptême qui nous révèle le mystère de la Trinité est le témoignage de l’amour de Dieu payé de sa propre vie. Ce même témoignage sera porté par les apôtres qui payeront aussi de leur vie la solidarité avec leur frères et sœurs. Ils iront aussi jusqu’au bout de l’amour et cela est le baptême qui révèle au monde le mystère de la Trinité. En effet, unis au Fils, en accueillant le don de sa vie, de son pardon, nous accueillons en nous l’Esprit d’amour qui nous unit au Père dans la relation filiale. La même qui unit le Fils unique au Père:

Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. (Jean 17, 21)

Jésus est allé au bout de l’amour et nous a révélé le visage du Père, de même ses disciples.
C’est le juste qui paie son amour de sa propre vie, mais le sang qui a coulé, devient en même temps condamnation pour celui qui l’a versé. “Tous ceux qui prennent l’épée périront par l’épée” (Matthieu 26, 52) car, à moins de se repentir et d’accueillir le pardon qui est offert par Jésus à ses persécuteurs, ce sang décrètera aussi la mort spirituelle de celui qui l’a versé, de celui qui a tué poursuivant son propre bonheur au mépris des autres. Par ce geste, le méchant s’exclut lui-même de la source de bonheur et entre dans un tourment, celui de la conscience, celui de la mort spirituelle dans laquelle il n’éprouve plus le réconfort, le bonheur de l’amour pour ses frères et soeurs, pour son prochain. La haine s’empare du coeur, l’amour en est chassé et cela provoque le plus grand tourment, que de consentir au mal. Seulement le pardon de Dieu saura guérir cette blessure mortelle, recréer le coeur de l’homme, l’ouvrir à la vie à nouveau. Mais il faut chercher et demander ce pardon lorsque nous en avons le temps et ne pas rester enfermés dans la haine, alors on se sera condamnés soi-même et on restera dans le tourment. Cette coupe d’amour, devient alors une coupe bouillonnant de colère, le sang du martyr devient le tourment du persécuteur. Il a accepté de boire la coupe, de verser son sang, celui qui le boit, qui le verse, qui tue, boit en réalité une coupe de colère car ce sang fera son tourment, son refus de l’amour le coupera, le privera, de l’amour du prochain, seule source de vie. Les hommes le craindront, mais auprès de Dieu et de ses saints, auprès de l’Eglise, un recours, un pardon est toujours offert, il faudra revenir, se repentir, se convertir, c’est-à-dire se tourner vers ce même sang comme vers une source de vie, un signe, une preuve d’amour, un amour qui a été nié, refusé, mais offert pour toujours. “Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude (Marc 14, 24).

Le texte de l’Apocalypse nous dit que le vin qui remplit cette coupe sera foulé aux pieds dans un pressoir hors de la ville.

L’ange, alors, jeta la faucille sur la terre, il vendangea la vigne de la terre et jeta la vendange dans la cuve immense de la fureur de Dieu. On se mit à fouler hors de la ville, et de la cuve sortit du sang, jusqu’à hauteur du mors des chevaux, sur une distance de mille six cents stades. (Apocalypse 14, 19-20)

Cela nous rappelle la passion du Christ qui a été crucifié en dehors de la ville sainte, hors des murs de Jérusalem. De même toute exécution, spirituellement, s’accomplit en dehors de la communion avec les frères et soeurs, donc en dehors de la ville sainte, de la Jérusalem céleste. Exécuter le juste, signifie se couper de toute relation fraternelle, se tenir en dehors de l’assemblée qui réunit les hommes dans l’amitié, dans l’amour, cela signifie être en dehors de la communauté figurée par la ville sainte, là où les hommes sont rassemblés dans et par l’amitié. Il s’agit du sang, de la vie de tous les martyrs, de tous les justes persécutés.

Et celui qui aura mangé le pain ou bu la coupe du Seigneur d’une manière indigne devra répondre du corps et du sang du Seigneur. On doit donc s’examiner soi-même avant de manger de ce pain et de boire à cette coupe. Celui qui mange et qui boit mange et boit son propre jugement s’il ne discerne pas le corps du Seigneur. (1 Corinthiens 11, 27-29)

Le sang de Jésus est versé, son corps est offert en sacrifice et avec lui ce sont aussi les membres de son corps qui sont associés à sa passion, les justes persécutés. Comme disait saint Ignace d’Antioche s’approchant du moment de son martyre:

Laissez-moi être la pâture des bêtes, par lesquelles il me sera possible de trouver Dieu. Je suis le froment de Dieu, et je suis moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain du Christ. (Lettre aux Romains)

Ceux qui boivent le sang des martyrs, ce sont leurs persécuteurs, pour eux la coupe de bénédiction se transforme en condamnation, car c’est l’occasion pour eux de se retrancher du corps du Christ, du lien vital avec Dieu dans l’amour du prochain.

Césaire d’Arles dans ses homélies sur l’Apocalypse (homélie 17) dit aussi que “Dieu foule la cuve du vin de la colère lorsqu’il permet aux méchants de faire le mal et les abandonne à leur voluptés.” Voici encore réaffirmée, comme il l’avait déjà fait dans l’homélie 12 à propos des sept coupes, l’idée que le méchant se condamne lui-même. Lorsque Dieu permet aux hommes et au diable d’aller jusqu’au bout dans la persécution des justes, il permet au mal de se révéler et donc au juste de le vaincre publiquement car celui qui meurt à l’exemple de Jésus, révèle le visage de miséricorde de Dieu et celui qui n’accueille pas le don de l’amour et du pardon de Dieu qui se manifeste ainsi visiblement aux hommes, se rend encore plus coupable, s’obstine dans le mal et se retranche lui-même de la communion au bien, communion à l’Esprit de Dieu dans l’amour du prochain. C’est l’expression paradoxale de la Bible que nous retrouvons dans l’épisode du Pharaon dont Dieu permet que le coeur s’endurcisse lorsqu’il continue d’opprimer et persécuter le peuple hébreu. Cela ne veut pas dire que Dieu pousse l’homme à commettre le mal, mais que lorsqu’il supporte d’être lui-même persécuté en Jésus-Christ ou dans ses créatures, il laisse l’homme libre de suivre ses mauvaises inspirations, de poursuivre ses mauvais desseins. Il ne l’influence pas en cela, au contraire, comme dans l’exemple de Pharaon ou de Jésus lui-même, ce n’est qu’après avoir tout mis en oeuvre pour appeler le méchant à la justice et lui avoir offert l’opportunité de se convertir, que finalement, après avoir tout essayé, il ne peut pas forcer l’homme contre sa volonté et lui permet de poursuivre ses desseins mauvais. C’est ainsi que Jésus a permis à Judas de le trahir, après l’avoir encore une fois appelé à la communion, à l’amitié, au partage du repas d’alliance. De même, après s’être adressé maintes fois à son peuple à Jérusalem et l’avoir invité à vivre pleinement l’amour de Dieu et de son prochain, après avoir tout essayé, c’est alors que le diable est laissé libre d’aller jusqu’au bout. Et Jésus est allé jusqu’au bout de son amour en offrant sa propre vie, comme un agneau muet, sans ouvrir la bouche, sans invectiver contre ses ennemis, au contraire persévérant dans son invitation à l’amour. Et c’est alors que ses persécuteurs ont bu le vin de la colère de Dieu, c’est-à-dire que le vin qui est le symbole du sang, de la vie donnée par Dieu, au lieu d’être accueilli dans l’action de grâce par les hommes, devient au contraire l’occasion de leur séparation de Dieu et de la communion avec leurs frères. La coupe de bénédiction qui est signe d’alliance, de partage entre les convives invités à la même table à partager le repas, devient l’occasion d’un refus de communion. Et par là, celui qui refuse l’offre de communion, d’alliance, se retranche de la seule source de vie et de joie qui est alimentée par l’amour du prochain, par les liens fraternels. Et la coupe de bénédiction devient coupe de colère car celui qui la refuse boit l’amertume de sa séparation des autres membres du corps. La tête de ce corps est le Christ, la vie qu’il a offert à toute l’humanité est le souffle vital qui engendre chaque être : ne pas accueillir la vie comme un don de Dieu signifie se séparer, non seulement de la tête du corps, mais aussi de tous les membres qui sont animés par le même souffle vital, cela signifie se séparer de ses propres frères en poursuivant l’illusion d’un bonheur possible dans l’égoïsme, dans l’appropriation de la vie pour soi-même, au détriment des autres. Si les liens fraternels et la confiance filiale sont coupés, alors c’est de la source de vie et de joie qu’on se coupe, la vie se dessèche, la plaine verdoyante se transforme en désert aride. L’âme isolée souffre de la soif du bonheur et ne peut pas trouver ailleurs, dans des mirages, son bonheur.

Il leur disait à tous : « Celui qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix chaque jour et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera. Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? (Luc 9, 23-25)

Dans certains anciens commentaires grecs de l’Apocalypse il est même dit que la colère de Dieu indique le diable lui-même qui est laissé libre d’aller à sa perte, en entraînant les hommes qui se sont librement et volontairement voués à lui, sourds aux nombreux appels de Dieu à revenir à lui. Comme l’atteste le commentaire attribué à Origène, l’homme est livré à la colère de Dieu, c’est-à-dire au diable, dans l’espoir qu’allant jusqu’au bout du mal, il puisse s’apercevoir de tout ce que cela entraîne de souffrance et donc, enfin, se convertir. C’est ainsi que Jésus livré aux mains des ennemis, inspirés et conduit par le diable, comme c’est le cas de Judas (), une fois crucifié, va révéler l’injustice, va la rendre visible et c’est à ce moment que finalement ceux qui s’acharnaient contre lui, vont s’ouvrir au regret, à la compréhension de leur égarement, comme c’est le cas du meurtrier crucifié à côté de Jésus qui s’exclame: “Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal” (Luc 23, 41). De même le centurion qui présidait à la crucifixion, voyant Jésus mourir, comprendra: “À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendit gloire à Dieu : « Celui-ci était réellement un homme juste” (Luc 23, 47).

Tyconius, Commentaire de l’Apocalypse, Introduction, traduction et notes par Roger Gryson, Brépols, 2011, p.203-204, n.19-20 :

« Et je vis des trônes, et ceux qui y siégeaient, et le pouvoir de juger leur fut donné. Je vis aussi les âmes de ceux qui ont été mis à mort à cause du témoignage de Jésus et à cause de la parole de Dieu. Et tous ceux qui n’ont pas adoré la bête, ni son image, et qui n’ont pas reçu sa marque sur le front ou sur la main, ont vécu et régné avec le Christ pendant mille ans » (Ap 20, 4). L’Église qui, dans le Christ, siégera sur douze trônes pour juger, siège et juge déjà, ainsi qu’il est écrit : « Déjà les saints jugent le monde » (1 Corinthiens 6, 2). Et le Seigneur quand il a promis ce pouvoir aux siens, s’exprime ainsi : « Vous qui m’avez suivi, dans la génération renouvelée, quand le fils d’homme siégera sur son trône de gloire, vous siégerez, vous aussi, sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël » (Matthieu 19, 28). Or, le fils d’homme siège déjà sur son trône de gloire, depuis qu’il a été glorifié dans le Seigneur. À son corps se trouve agrégée toute la génération renouvelée des saints, et elle siège à la droite de la Puissance, jugeant par I’intermédiaire de sa tête. C’est du présent, non de I’avenir, que le Seigneur a parlé ; il n’a pas dit, en effet, ‘vous siégerez et vous jugerez’, mais ‘vous siégerez jugeant’. D’ailleurs, si c’était au moment du jugement dernier qu’il avait vu ces trônes, il ne parlerait pas des âmes car à ce moment-là, elles seront réunies à leurs corps. C’est maintenant, au contraire, qu’il dit avoir vu ‘des personnes siégeant sur des trônes’ et qu’il parle aussi des âmes de ceux qui ont été mis à mort pour désigner à la fois les vivants et les morts. Tous ceux-là, dit-il, ‘ont vécu et régné avec le Christ’ pendant mille ans. Il a parlé avec raison de tous, tant ceux qui sont encore vivants que ceux qui sont morts. Il a dit ‘ils ont régné’ comme si c’était fait, de la même façon que « ils se sont partagé mes vêtements » (Psaume 21, 19); car il allait dire plus loin ‘ils régneront”.
Pour faire comprendre quels sont ces mille ans, il a ajouté : « C’est la première résurrection », évidemment celle qui nous fait revivre par le baptême, comme le dit I’apôtre : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d’en haut » (Colossiens 3, 2), et encore : « Comme des vivants revenus d’entre les morts » (Romains 6, 13). Le péché, en effet, c’est la mort, comme le dit ce même apôtre : « Alors que vous étiez morts à cause de vos fautes et de vos péchés » (Ephésiens 2, 1). De même qu’il y a une première mort dans la vie présente, à cause des péchés, il y a de même aussi une première résurrection dans la vie présente, grâce à la rémission des péchés.

L’Apocalypse expliquée par Césaire d’Arles, Les Pères dans la foi, DDB, 1989, Paris, Scholie 14 attribuée à Origène, p.191-192 :

Lorsque Jean va dire grande la colère de Dieu (Ap 6, I7), il n’appelle pas colère de Dieu les malheurs qui sont arrivés : ils sont extérieurs à Dieu qui les envoie seulement, quand il le faut, à ceux qui en ont besoin et qui leur sont livrés. Car ces hommes sont indignes de Dieu et, une fois au pouvoir du mal, ils ont ainsi le regret de ce Dieu qu’ils ont méprisé. Et la colère de Dieu, c’est le diable.
Nous lisons dans le second livre des Rois : « [Le diable enflamma encore la colère de Dieu contre les Israélites et il excita David et il dit : “Va et fais le dénombrement d’Israël et de Juda” » (2 Samuel 24,1). C’est la colère de Dieu qui a excité David, mais il n’y a pas « elle dit » mais « il dit ». Aussi, à côté de Dieu en personne qui, selon l’Écriture, a souvent parlé à ses saints, il existe d’autre part une colère de Dieu qui parle ainsi et ordonne de commettre une faute à laquelle un châtiment divin s’attache pour qui a été persuadé par les paroles de cette colère. Et comment la colère qui châtie pour les fautes, et le fait justement, pourrait-elle châtier en toute justice celui qu’elle a persuadé de pécher ? C’est injustement que le principe du péché châtie celui qui a péché. Mais, comme je l’ai déjà dit, la colère de Dieu est le diable, qui persuade de commettre le péché, avec la volonté de prendre sous sa domination celui qui I’a commis parce qu’il l’a commis. Voici ce qu’écrit le premier livre des Chroniques en rapportant la même accusation contre David : « Le diable se dressa contre les Israélites et il incita David à faire le dénombrement d’Israël » (1 Chroniques 21, 1). Le deuxième livre des Rois et le premier livre des Chroniques ont employé le verbe « incita », le livre des Rois à propos de la colère du Seigneur, le livre des Chroniques à propos de celle du diable. Si le verbe « incita » désigne la cause de la faute, et si c’est le diable qui est la cause de la faute, c’est lui qui est nommé dans les deux cas soit par le terme courant de « diable », soit par celui qui est ignoré du grand nombre, c’est-à-dire « colère du Seigneur » : il est dit dans le grand Cantique [de l’Exode] et en d’autres passages : « Tu as envoyé ta colère, elle l’a dévoré comme du chaume », etc. (Exode 15,7). Tout ce qui est envoyé par quelqu’un diffère de celui qui I’envoie. Qui serait donc la colère envoyée contre les Egyptiens, sinon le diable, comme nous I’avons appris dans le premier livre des Chroniques ? Si l’on dit que les pécheurs sont livrés à la colère de Dieu, nous devons comprendre qu’ils sont livrés au diable, comme Paul l’a fait du Corinthien et des hommes qu’il « a livrés à Satan pour qu’ils apprennent à ne pas blasphémer » (1 Co 5, 5; 1, Tm 1, 20).

Pour un approfondissement voir l’article La colère de Dieu.

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  1. La colère de Dieu – Apocalypse 14 – Bible
  2. L’arbre de la vie – Bible

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