Genèse 1,1 – 2, 3 Les sept jours, étapes de l’amour

Résumé des étapes : jour de la création et jour de la Semaine Sainte

En Dieu tout est simultané, tout ce que l’être humain peut accueillir progressivement de son amour est déjà présent en Dieu, déjà offert d’avance. La parole de Dieu qui s’est faite chair en Jésus-Christ est la même qui crée le monde et nous fait passer des ténèbres à la lumière. C’est à son image que nous sommes créés et il nous conduit à la pleine ressemblance avec lui :

« Dans la joie, vous rendrez grâce à Dieu le Père, qui vous a rendus capables d’avoir part à l’héritage des saints, dans la lumière. Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. » (Colossiens 1, 11-16).

Ainsi, Dieu a déjà réalisé son œuvre de salut, il nous a unis à son propre fils, faisant de nous les membres de son corps. Ainsi, animés du même amour que celui de son fils Jésus-Christ, Parole éternelle de Dieu, nous aussi nous pouvons appeler Dieu Père et être unis par son amour les uns aux autres. Voici le chemin que l’être humain va parcourir afin de reposer pleinement dans l’amour de Dieu et de ses frères et sœurs humains, voici les étapes par lesquelles nous accueillons l’amour éternel de Dieu dans sa pleine mesure :

  • Jour 1 : création de la lumière – Jésus entre à Jérusalem. Il donne librement sa vie au monde, lumière qui vient éclairer les ténèbres. Cette lumière qu’il apporte au monde est déjà lumière de résurrection.
  • Jour 2 : création de l’espace qui sépare les eaux – Du côté droit du Christ crucifié jaillit la source de la vie divine qui vient abreuver la terre. Dans le baptême l’être humain accueille l’unique source qui donne vie au monde et fait de toute créature une seule famille, un peuple de frères et sœurs.
  • Jour 3 : Les eaux se regroupent et forment les mers, ce qui est sec apparaît. Dieu dit : que la terre fasse pousser des herbes avec semence d’arbres qui portent du fruit avec semence. L’arbre est une image du juste qui a identifié la source de la vie, étend ses racines vers elle, peut accueillir dans ses branches son prochain et porter du fruit. Tout cela s’accomplit d’abord en Jésus-Christ sur l’arbre de la croix, c’est là qu’il ouvre les bras pour accueillir l’humanité entière dans son amour, c’est de cette arbre de la croix que son corps, mis au tombeau, tombera en terre comme la semence qui portera du fruit par sa mort, ayant donné au monde la preuve de son amour. Nous aussi nous sommes cette terre et nous pouvons accueillir la foi dans la bonne terre pour devenir arbres à notre tour et porter du fruit par le témoignage de notre foi en la résurrection, foi dans l’amour de Dieu et dans son pardon que nous pouvons à notre tour offrir à notre prochain.
  • Jour 4 : les luminaires séparent le jour et la nuit, sont signes pour les jours et les années, ils illuminent la terre. Le grand luminaire gouverne le jour, le petit ordonne la nuit et les étoiles, les deux illuminent la terre, ordonnent le jour et la nuit et séparent lumière et ténèbres. Jésus par sa mort a révélé au monde la gloire de Dieu, l’immensité de son amour. Par sa résurrection, il a manifesté la victoire sur le mal et sur la mort, victoire de la lumière sur les ténèbres : il est devenu soleil de justice qui resplendit sur les bons et les méchants afin d’offrir à chacun l’opportunité de se diriger vers la lumière. Ceux qui auront accueilli le don de la vie divine seront ensemble comme les membres d’un même corps illuminé par la grâce et l’amour de Dieu. Ils seront comme la lune qui reçoit la lumière du soleil et individuellement rendront témoignage la lumière dans les ténèbres comme des étoiles, orientant l’humanité vers l’espérance, vers l’amour, la vie, la résurrection. Tout cela, Jésus nous le révèle aussi dans la résurrection de Lazare. C’est aussi au quatrième jour après sa mort que Lazare est ressuscité. C’est à partir de ce moment qu’on voudra la mort de Jésus, mais les ténèbres seront vaincues par la lumière de la résurrection et de la vie.
  • Jour 5 : Dieu crée les animaux des mers et les oiseaux du ciel, il voit que cela est bon et dit : portez du fruit et multipliez-vous, remplissez les mers et la terre. Pour conduire ces âmes vivantes qui habitent dans la mer et dans le ciel et qui sont image des attitudes humaines, Jésus, au dernier repas, institue les apôtres. Par l’eucharistie, il fait d’eux les membres de son propre corps, il les prépare à être pêcheurs d’hommes et conduire l’humanité vers le ciel. Cela, ils le réaliseront en multipliant le repas eucharistique, en invitant au repas, à la communion et réconciliation avec Dieu et avec les autres, figurée par le lavement des pieds.
  • Jour 6 : Dieu fait sortir les animaux de la terre et fait les différentes espèces. Et Dieu dit : « Faisons Adam », afin qu’il domine sur les animaux et il crée l’être humain, Adam, dans son image, dans l’image d’Elohim, du Dieu trinitaire qui est relation d’amour. Il lui dit de porter du fruit, de se multiplier, de remplir la terre, de marcher sur elle et diriger poissons, oiseaux et tout rampant sur la terre. Le fruit des arbres portant semences sera leur nourriture : cela implique que les œuvres stériles ne portent pas de fruit, ni de semence et ne nourrissent pas l’être humain. Et l’herbe sera aussi la nourriture de tous les animaux dans lesquels est une âme vivante. Il ne s’agit plus des animaux qui manifestent une violence, mais de ceux qui manifestent la volonté de Dieu, l’amour de Dieu. « Et Elohim créa l’être humain (אָדָם adam) dans son image dans l’image de Elohim il le créa mâle et femelle il les créa. » – L’union de l’homme et de la femme, l’amour entre les deux, est donc image de Dieu. Comme un fiancé est uni à sa fiancée pour ne former plus qu’un, ainsi Jésus est uni à l’humanité. Cette union avec Dieu, une fois réalisée, permettra à ce couple, formé par Dieu et l’humanité, de porter du fruit, de se multiplier en offrant son amour et sa vie aux autres.
  • Jour 7 : Dieu complète l’œuvre qu’il a faite, il l’arrête le septième jour, la bénit et la sanctifie. Il arrête de faire, c’est-à-dire de conduire à son achèvement ce qu’il a créé. Jésus aussi achève l’œuvre qui conduit l’humanité des ténèbres à la lumière lorsqu’il lui offre sa vie et son souffle sur la croix, achevant ainsi l’union de l’humanité avec Dieu. Ainsi, l’humanité peut se reposer en Dieu, remettant son esprit avec confiance entre ses mains, tout comme le Christ l’a fait sur la croix. Jésus aussi au moment de remettre sa vie, son souffle entre les mains du Père, dira : « Tout est accompli. » (Jean 19, 30). Dans le septième jour est ainsi figurée la participation de l’humanité au repos de Dieu, c’est le repas eucharistique céleste, où Dieu peut demeurer en nous et nous en lui, tous réunis par son amour comme les membres d’un même corps.

Ainsi, l’humanité pourra voir la gloire de Dieu (jour 1), accéder à la source de la vie (jour 2), être comme une terre fécondée par cette source et porter du fruit (jour 3), être comme des luminaires dans le ciel, reflétant la lumière de Dieu dans l’obscurité (jour 4), être conduite des eaux agitées et salée de la mer de ce monde à l’expérience des réalités célestes (jour 5), tout cela se réalisera pleinement lorsque l’humanité sera parfaitement unie à Dieu, accédant par Jésus-Christ à la relation filiale avec Dieu, à l’union avec lui (jour 6) et ensuite ayant pleinement remis sa vie dans les mains de Dieu, participer de son repos, être à table avec lui, Dieu en nous et nous en lui, remplis de son amour les uns pour les autres, non seulement après la mort, mais en entrant dans la relation filiale dès maintenant (jour 7).

Articles liés

Cet article donne accès aux approfondissements suivants :

  1. Genèse 1, 1 Bereshit
  2. Genèse 1, 2 Rouah L’esprit de dieu est féminin
  3. Jean 4, 1-42 La source d’eau vive
  4. Matthieu 13 Les paraboles du Royaume
  5. Le Notre Père
  6. Shabbat, le repos de Dieu
  7. Le Royaume des cieux
  8. Luc 14, 15-24 Les invités au repas
  9. Luc 15, 11-32 Le fils prodigue
  10. Le repas eucharistique

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Les sept jours, étapes de la vie en Dieu, de l’œuvre de Dieu en nous.

La première section de lecture de la Bible commence par l’œuvre de la création. Le premier mot hébreu, bereshit, nous introduit dans la dimension divine, éternelle. Ce mot signifie, en effet, ce qui est dans la tête et nous introduit donc dans la dimension divine, dans le plan de Dieu, dans la tête, dans l’esprit de Dieu. Cela implique d’entrer dans une dimension hors du temps, éternelle, dans la vision que Dieu a de la création dans laquelle se trouvent le temps et l’espace. En Dieu pas de changement, pas de temps, pas d’espace, son œuvre est éternelle.

Ici, nous entrons donc dans la dimension divine, spirituelle, qui nous fait comprendre la volonté de Dieu d’offrir sa vie, de partager son bonheur avec d’autres, de donner vie au monde, à toute la création afin que celle-ci soit la manifestation de son amour car Dieu est amour.

La parole de Dieu exprime parfaitement son essence, ce qu’il est et cette parole se rend visible par l’œuvre de la création. Dieu veut se faire connaître, veut partager avec nous sa vie, sa lumière, sa joie. Sa parole se fait chair, il se fait en tout semblable à la créature afin que nous puissions voir et comprendre l’esprit par et dans lequel il accomplit toute chose.

Ainsi Jésus nous dit :

« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jean 15, 11-13).

Sa parole créatrice veut nous conduire à la joie parfaite, qui consiste à faire l’expérience de Dieu, qui est amour et le plus grand amour, l’amour divin, consiste justement en ce désir de donner sa vie à ceux qu’il aime, à toutes ses créatures qu’il aime en leur donnant sa vie.

Or, ce texte, en plus de nous parler de la volonté divine de donner vie au monde, de le créer matériellement, il nous parle de son œuvre qui est celle de nous conduire à la joie parfaite, à la pleine expérience de l’amour divin, gratuit, au don de notre propre vie dans et par l’amour.
Ainsi, tout ce qui est décrit dans la semaine de la création est rendu visible par Jésus, le Messie, qui manifeste l’esprit de Dieu au monde en accomplissant sa volonté. Il nous montre en quoi consiste ce don de la vie, le plus grand amour. Nous appelons la dernière semaine de la vie de Jésus la « Semaine Sainte », c’est à ce moment qu’il nous montre sa volonté de nous offrir sa vie en entrant à Jérusalem pour nous prouver son amour pour chaque créature.

Nous entrons donc dans cette dimension spirituelle dans laquelle Dieu embrasse tous les temps car c’est lui qui les crée : le passé, le présent, le futur, tout est devant lui simultanément. L’œuvre visible de la création manifeste le mystère de la Trinité, la relation d’amour qui est en Dieu. Il donne sa vie au Fils, il l’engendre, par amour, dans l’amour qui est l’Esprit d’amour de Dieu, et le Fils qui est la Parole de Dieu, en tout semblable à lui, image parfaite du Père, expression parfaite de sa volonté, lui rend cet amour dans l’action de grâce, gratitude filiale envers celui qui lui offre sa vie. Le fils remet sa vie dans les mains du Père dans la pleine confiance car c’est le Père qui lui donne vie, qui l’engendre, éternellement.

Tout ce qui vit reçoit la vie par l’Esprit de Dieu selon la volonté de Dieu, exprimée, manifestée, par sa Parole. Ainsi, tout ce qui existe porte la marque, le sceau, de l’Esprit de Dieu créateur, tout nous manifeste la relation au Père qui donne vie. Nous sommes ainsi invités à partager la vie divine comme des fils, créés à son image et ressemblance. Nous allons donc découvrir dans ce texte comment Dieu conduit la création jusqu’à la joie parfaite, comment il accomplit sa création, étape par étape. Ces étapes, pour nous se déroulent dans le temps de notre vie, mais en Dieu elles ne sont qu’une, volonté éternelle de répandre dans la création son amour, d’associer la création à sa propre joie, de nous faire connaître ce qu’il est à travers notre propre expérience de l’amour, un amour qui est appelé à être aussi grand que le sien, aussi parfait que le sien, afin que nous soyons un avec lui.

Les trois sens de l’Ecriture :

Jésus nous dit :

« Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » (Matthieu 5, 17).

Le mot grec pour accomplir est plērõsai (πληρῶσαι) verbe construit sur le mot plērēs plein, cela signifie que Jésus va rendre plein et parfait le sens de la Parole de Dieu, d’abord parce qu’il nous montrera par ses propres actes et attitudes dans quel esprit tout cela est dit. En effet, la parole de Dieu est éternelle, elle ne change pas, son œuvre est toujours la même. Donc, la parole de Dieu qui se trouve dans les Ecritures, comme nous dit l’évangéliste saint Jean, se fait chair et nous pouvons la voir en action, devant nos yeux. Tout ce que Dieu a dit pendant des siècles, Jésus vient nous le montrer l’accomplir. Si l’Ecriture dit que Dieu nous donne sa vie, Jésus qui est la Parole de Dieu faite chair, nous donne sa propre vie et nous prouve que cela est un geste d’amour, un geste d’amour gratuit désintéressé. L’être humain en effet, ne croit pas à la simple parole, ne fait pas confiance, il doute et soupçonne, mais une fois qu’il voit les actes conformes à cette parole, alors il croit.
Donc, dans l’Écriture nous voyons la parole de Dieu qui :

  1. se manifeste dans la nature, dans l’œuvre de la création car tout reçoit la vie, l’existence et l’être par Dieu. Ainsi, lorsque Jésus veut parler de la réalité céleste, de l’esprit, de l’œuvre divine en chacun de nous pour nous rendre semblable à lui, il parle en paraboles, c’est-à-dire qu’il prend des éléments visibles de la nature, de ses dynamiques, comme l’arbre qui porte du fruit, la lumière qui chasse les ténèbres, ainsi que les histoires de nos vies pour nous donner accès à la réalité spirituelle. Il peut se servir aisément de tous les éléments de la nature car elle est l’œuvre de la Trinité, elle porte le sceau de la vie, de l’esprit et de la parole divine qui la crée et qui se manifeste à l’œuvre en elle.
  2. se manifeste et s’accomplit dans la personne de Jésus, en tout ce qu’il dit et fait et aussi dans l’histoire de l’Église, constituée par les membres du corps du Christ. Jésus, en instituant les apôtres et unissant ses disciples à lui par le sacrement de l’eucharistie, où ils se nourrissent de son corps et de son sang, donne vie à l’Église, à l’ensemble des membres de son corps. Donc, aussi dans ce que la communauté des membres du corps du Christ vit, se complète aussi la vie du Christ qui vit, est persécuté et resuscite lorsque l’Église porte le témoignage de sa parole par ses propres actes dans le monde, lorsqu’elle est persécutée comme Jésus l’a été et lorsqu’elle reflète sur terre le mystère de la résurrection, de la victoire de l’amour sur le mal et la mort, de la lumière sur les ténèbres.
  3. se manifeste en chacun de ses membres individuellement, dans la vie spécifique de chacun qui sera conduit à témoigner de sa foi à travers l’amour qu’il montrera à son prochain, risquant et offrant à son tour sa vie comme le Christ. Ce troisième sens va nous révéler l’œuvre de Dieu dans l’esprit de chacun de nous, comment il nous conduit à la ressemblance avec lui, quelles étapes spirituelles parcourt chacun de nous pour cheminer vers Dieu, vers le plus grand amour. Cela nous révèle peu à peu la croissance de la foi, de la confiance que nous pouvons faire à Dieu, jusqu’à remettre en lui notre propre vie, confiant en la victoire de l’amour, de la vie divine en nous.

 

JOUR 1 :

Nous allons donc voir ce jour un de l’œuvre de Dieu. En effet, il s’agit d’un jour, car l’œuvre de Dieu est de porter la lumière où se trouvent les ténèbres et ce jour est unique car l’œuvre de Dieu est toujours la même pour chacun de nous et en chacun de nous : nous arracher aux ténèbres et nous conduire à la pleine lumière de l’amour parfait, de la joie parfaite, à travers les étapes infinies de la vie de chaque être humain. Donc, l’œuvre, l’action de Dieu, va se répéter, se retrouver en chacune des étapes décrites dans les sept jours.

« Mon Père jusqu’à maintenant est à l’œuvre et moi aussi je suis à l’œuvre » (Jean 5, 17).

Examinons donc le texte du jour un :

א בְּרֵאשִׁית בָּרָא אֱלֹהִים אֵת הַשָּׁמַיִם וְאֵת הָאָרֶץ
Bereshit [dans ce qui est dans la tête] créa Elohim (אֱלֹהִים Elohim) le ciel et la terre.

Compréhension des mots :

(Sur le premier mot de la bible, bereshit, voir l’article Genèse 1, 1 Bereshit et tous les approfondissements avec les commentaires juifs et chrétiens qui s’y trouvent.)

Voici un exemple de commentaire juif de ce premier mot de la Bible :

בראשית בתחלת הזמן והוא רגע ראשון בלתי מתחלק שלא היה זמן קודם לו ברא עשה אינו ישנו ובזה לא יפול זמן כלל. 
Bereshit, au commencement du temps, ceci est le premier instant sans qu’il soit divisible, avant lequel il n’y avait pas de temps. Il a créé, il a fait être ce qui n’est pas. À cela, le temps ne s’applique pas du tout.

Ovadia Sforno (Cesena 1470- Bologne 1550) sur Genèse 1, 1

Nous entrons par ce premier mot bereshit dans la dimension divine éternelle. « Be » signifie dedans, « resh » la tête, « it » pour nous dire qu’il s’agit d’un adverbe, c’est-à-dire comment, quand, où l’action se passe, en ce cas « dans la tête » ou « en tête ». En grec cela a été traduit par le mot arkhē qui nous renvoie au principe de toute chose, à ce qui est à l’origine de toute chose, donc aussi à ce plan ou volonté divine de créer. Nous sortons donc de notre dimension créée terrestre et nous entrons dans le plan de Dieu, dans la volonté divine éternelle de créer le monde.

Le deuxième mot bara’ signifie l’action de créer, son sujet ne peut être que Dieu, c’est lui qui crée, à partir de rien et ce mot « il a créé » est au singulier.

Le troisième mot élohim est le pluriel de ´eloah qui signifie dieu. Pourquoi donc ce mot pluriel, si le verbe est au singulier ? Selon la lecture chrétienne de la Bible, Dieu est bien sûr unique, mais en lui qui est amour, l’amour est un échange entre le Père et le Fils, leur amour mutuel est l’Esprit dans lequel ils sont un, par un même amour. Ce mystère de l’unicité de Dieu dans l’échange d’amour entre le Père et le Fils dans un unique Esprit d’amour est appelé le mystère de la Trinité, un seul être en trois hypostases, en grec mía ousía, treis hypostáseis, ce qu’on a traduit par « une seule essence divine, trois personnes ».  Le mot grec hypostase nous dis ce qui subsiste : hypo signifie en dessous « sub » en latin et stasis intensifie l’action d’être, d’être-là et donc de sub-sister, en Dieu trois subsistent : le Père, le Fils et le Saint Esprit leur amour et leur volonté ne sont qu’un, un seul Dieu. Donc, l’action de créer est l’action du Dieu unique, de l’échange d’amour des trois : le Père, le Fils et le Saint Esprit qui subsistent en lui, dans l’amour.

Le quatrième mot shamaym est généralement traduit par cieux et aussi en grec, dans l’évangile on parle des cieux. Or, la terminaison de ce mot -aym est la même que celle de mots au duel, car en hébreu les mots qui vont par paires, comme les yeux, les mains, se terminent par -aym. Le français ne connaît pas le duel. Or, si nous devions comprendre ce mot comme un duel, nous pourrions réfléchir sur la portée de ce duel : y aurait-il deux cieux ? un, le ciel qui se trouve au-dessus de la terre et un, le ciel qui indique la dimension spirituelle, le royaume de Dieu ou le royaume des cieux, celui où se trouve Notre Père qui est « aux cieux ». Lorsque Dieu veut se manifester, se faire connaître, sa Parole se fait chair, elle devient visible. C’est elle le royaume des cieux qui est descendu sur terre, qui est tout près de nous, au-dedans de nous, la présence de Dieu, en Jésus, qui est venu établir son royaume dans le cœur de chacun de nous. Donc, l’œuvre créatrice manifeste l’amour de Dieu trinitaire et sa Parole se fait chair, le royaume de Dieu se rend visible aux hommes, encore plus, il vient faire sa demeure en nous. Cela, bien évidemment, selon un plan de Dieu dans lequel tout est simultané, tout a toujours été ainsi.

Cinquième mot érets, la terre où Dieu établit son royaume : « que ton règne vienne, que ta volonté soit faite, sur la terre comme au ciel » nous dit Jésus (Matthieu 6, 10). Sur cette terre nous avons un ciel au-dessus de nous, mais aussi, un autre ciel, plus important, celui où règne l’amour de Dieu en nos cœurs, c’est dans ce royaume que nous sommes rassemblés dans l’amour parfait, où tous ensemble nous ne sommes plus qu’un, à l’image du mystère d’amour qui est dans la Trinité elle-même.

« Que tous soient UN, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient UN en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient UN comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement UN, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé », nous dit Jésus (Jean 17, 21-23).

C’est au-dedans de nous que cette amour règne lorsque notre esprit est conduit à la ressemblance de Dieu, à l’amour parfait envers ses créatures. Saint Paul lorsqu’il reçoit des nouvelles de la communauté des Colossiens qui ont reçu la prédication de l’évangile et le baptême s’exprime ainsi : « il nous a fait savoir votre amour (ἀγάπη agápē) dans l’Esprit. » (Colossiens 1, 8).

ב וְהָאָרֶץ הָיְתָה תֹהוּ וָבֹהוּ וְחֹשֶׁךְ עַל-פְּנֵי תְהוֹם וְרוּחַ אֱלֹהִים מְרַחֶפֶת עַל-פְּנֵי הַמָּיִם
2 Et la terre fut tohu va vohu (תֹהוּ וָבֹהוּ) et la ténèbre sur les faces (עַל-פְּנֵי ‘al-pney) de tehom (תְהוֹם) et l’Esprit (רוּחַ ruaḥ) d’Elohim (אֱלֹהִים) planant (מְרַחֶפֶת meraḥefet) sur les faces des eaux.

(Sur l’Esprit de Dieu voir l’article Genèse 1, 2 Rouah L’esprit de dieu est féminin et ses approfondissements.)

Compréhension des mots :

’erets la terre. D’après l’utilisation de ce mot dans la Bible, et spécialement dans les lettres de saint Paul, la terre et ce qui est terrestre est tout ce qui étant créé et donc initialement séparé de Dieu doit se tourner vers la réalité divine, pour n’être plus qu’un avec lui, uni à Dieu par le même amour. Ce qui est terrestre est appelé à devenir céleste. (Première Lettre aux Corinthiens ch. 15 et Deuxième Lettre aux Corinthiens ch.5). Ce mot implique une idée de coupure, de séparation.
« Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel. Et de même que nous aurons été à l’image de celui qui est fait d’argile, de même nous serons à l’image de celui qui vient du ciel. » (1 Corinthiens 15, 47)

hayeta : 3ème personne, féminin, mode accompli du verbe être, fut, a été. Cette antériorité peut impliquer que d’abord la créature, la terre en étant créée est autre par rapport au créateur, il y a une séparation. Elle a été ainsi, la terre, créée. Mais après, Dieu la conduit à lui, à la lumière.

tohu va vohu : Pour ce qui est de notre vie terrestre, il y a ce qui est matériel et ce qui est immatériel. Ce qui ne regarde pas vers Dieu (tohu), ce qui est détourné de lui. La réalité qui évoque au mieux cet éloignement de Dieu, ce qui est perdu, est celle du désert. Le mot tohu est aussi utilisé dans la Bible en ce sens pour nous dire ce qui est désorienté, là où nous sommes perdus et nous nous sentons éloignés de Dieu. Ainsi, ce qui est déserté par la présence de Dieu, est mort, ne présente pas de forme de vie. Le désert n’est pas irrigué par l’eau, par la vie. Le mot bohu, prononcé ici vohu à cause de la voyelle qui le précède, évoque ce qui est inconsistant, aérien, vide et donc non pas encore rempli par la présence de Dieu, comme l’air et le vent qui ne s’orientent pas encore vers Dieu. Les mots tohu va vohu nous disent comme une onomatopée ce qui a une consistance et ce qui n’en a pas, ce qui est figé comme tohuet ce qui s’envole comme le vent vohu.

ḥoshekh : la ténèbre, l’obscurité. Tout ce qui n’est pas illuminé par la présence de Dieu.

‘al-pney : le mot ‘al signifie sur, au-dessus et le mot pney est un mot utilisé toujours au pluriel, parent du verbe panahqui signifie orienté vers, se tourner vers, orienter son visage et son regard vers. Ainsi, panah est ce qui est tourné vers, ce qui est donc visible d’une personne si elle se tourne vers nous, son visage ou bien pour les choses la face visible de quelque chose. Donc, dans ce verset nous aurons deux fois al-pney pour nous dire d’abord que l’obscurité se trouve là où l’on ne regarde pas vers Dieu, là où les eaux ne sont pas orientées vers lui. Et qu’au contraire, là où les eaux s’orientent vers Dieu, là elles sont vivifiées par l’Esprit de Dieu.

tehom : dans ce mot nous retrouvons les consonnes du mot tohu qui indiquent ce qui ne regarde pas vers Dieu. La lettre « m » qui y est ajoutée évoque l’eau, d’où la traduction fréquente de ce mot par abîme des eaux, là où règne l’obscurité de ce qui n’est pas éclairé par Dieu car pas orienté, tourné vers lui.

rouaḥ elohim : rouaḥ est le mot féminin qui signifie esprit, souffle. Ici il s’agit de l’Esprit de elohim cet Esprit de Dieu qui est amour en trois hypostases unies par le même amour, le même esprit qui est la vie, la vie de Dieu, uniquement amour. Voir au verset précédent l’explication trinitaire du pluriel du mot elohim.

meraḥefet : ce mot est un participe présent féminin car le mot esprit, rouaḥ, est féminin en hébreu. Ce mot évoque le frémissement des ailes d’un oiseau, le verbe raḥaf presque comme une onomatopée, nous dit le tremblement. Nous voyons donc ici l’Esprit d’elohim qui étend ses ailes, comme un oiseau au-dessus des deux eaux. Or, les ailes de l’oiseau nous disent souvent l’idée de protection, Dieu qui nous prend sous son aile. En même temps, dans l’image de l’oiseau qui prend sous son aile nous voyons aussi son action de réchauffer, couver, comme lorsqu’une poule couvre de ses ailes ses œufs. Cet acte est interprété par les anciens comme ce qui infuse la vie, grâce à la chaleur transmise. Jésus aussi utilise cette image pour nous parler de l’œuvre divine :
« Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! » (Matthieu 23, 37).
Donc, ici l’Esprit de Dieu embrasse toute la création, ce qui est vivant, les eaux, pour infuser en elles la vie, l’Esprit plane au-dessus des deux eaux.

al-pney : sur ce qui est tourné vers lui, sur ce qui peut recevoir la vie, c’est là que l’Esprit de Dieu va agir.

mayim : ce mot, comme plus haut le mot cieux, a la terminaison -aym, identique à celle du duel, mais nous le traduisons habituellement par un pluriel, les eaux. C’est, en effet, cela qu’il désigne dans la vie courante, cette eau indivisible en une unité, cette eau qui est une multitude de gouttes, qui est plurielle. Mais on peut réfléchir aussi sur cet aspect duel des eaux, pourquoi y aurait-il deux eaux ? Nous le verrons aux versets six et sept, mais aussi à bien d’autres passages de la Bible, qu’il y a une eau qui vient d’en-haut, qui descend du ciel et une eau qui jaillit de la terre. Le prophète Isaïe nous parle ainsi de la parole de Dieu qui descend du ciel comme la pluie et la neige, pour abreuver et féconder la terre, pour lui faire porter du fruit :
« La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, donnant la semence au semeur et le pain à celui qui doit manger ; ainsi ma parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission. » (Isaïe 55, 10-11).
Cette parole de Dieu qui est descendue sur la terre, sur ce qui était aride parce que privé de la parole de Dieu, c’est Jésus lui-même, la parole de Dieu qui s’est faite chair, qui a vivifié, fécondé l’être humain et l’a conduit à sa plénitude, lui a fait porter du fruit, l’a rempli de l’amour de Dieu en lui révélant le visage de Dieu, plein d’amour pour chacune de ses créatures.
Sur ce qui est orienté vers la terre, ce qui est tohu, il y a obscurité et sur les deux eaux plane l’Esprit de Dieu et leur infuse la vie. L’eau est ce qui est porteur de vie.

ג וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים יְהִי אוֹר וַיְהִי-אוֹר
3 Et Dieu dit : “Que soit une lumière ” et fut lumière.

ד וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת-הָאוֹר כִּי-טוֹב וַיַּבְדֵּל אֱלֹהִים בֵּין הָאוֹר וּבֵין הַחֹשֶׁךְ
4 Et Dieu contempla la lumière car (elle est) bonne et Elohim (אֱלֹהִים) sépara entre la lumière et la ténèbre.

ה וַיִּקְרָא אֱלֹהִים לָאוֹר יוֹם וְלַחֹשֶׁךְ קָרָא לָיְלָה וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר יוֹם אֶחָד
5 Et Dieu appela la lumière « jour » et la ténèbre il l’appela « nuit » et fut soir et fut matin jour un.

Voyons, donc, comment les trois sens de l’Écriture sont contenus dans le jour un :

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans la nature :

Voyons comment les éléments de la nature créée sont des signes qui nous renvoient aux réalités spirituelles, comment la nature manifeste l’esprit qui lui donne vie, l’ordre de la parole divine qui créée dans et par sa sagesse pour que tout soit un reflet de sa gloire.
Le ciel, donc, nous renvoie à la vie divine éternelle et ordonnée, à la vision d’en haut là où la paix et l’harmonie règnent. Les Pères de l’Église, à la suite des paroles de saint Paul, voient dans la création du ciel aussi la création des créatures célestes, la multitude des anges.
La terre est d’abord ce qui est aride et a besoin d’être fécondé par l’eau, figure de l’esprit qui vivifie. Toute créature terrestre qui peuple le monde est donc évoquée ici et nous verrons, par les étapes, les jours suivants, comment ces créatures, êtres humains et animaux, exprimeront notre relation à Dieu, tantôt errants dans les ténèbres, tantôt conduits par la lumière et la parole de Dieu qui les conduit vers les réalités célestes, là où la lumière règne éternellement.
C’est ainsi que lorsque Dieu parle, lorsque Dieu exprime ce qu’il est, sa parole crée la lumière. Cette lumière est celle du visage de Dieu, qui se rend visible et connaissable à ses créatures. La lumière exprime la volonté de Dieu de conduire ses créatures à partager sa joie, sa vie : il se fait voir, se fait connaître afin que nous puissions en être éclairés et devenir semblables à lui, illuminés par la même lumière, remplis de la même joie et du même amour.
Remarquons ce que les Pères de l’Eglise soulignent toujours : si ce jour où la lumière est créée n’était que l’un de nos jours terrestres, inscrits dans le temps, comment pourrait-il y avoir d’abord la lumière, alors que rien d’autre n’a été créé, quel serait le support matériel de cette lumière ? Comme le premier mot de la bible, du livre de la Genèse l’exprime, ici est décrite l’œuvre éternelle de Dieu, sa volonté éternelle d’associer des créatures à la contemplation de sa gloire, de les rendre participantes de son propre bonheur, de son bien, de sa joie, de son amour. C’est tout cela que nous contemplons dans le visage de Dieu, dans son regard, l’amour infini dont il nous aime et qu’il nous transmet lorsqu’il nous illumine. Aux créatures le choix d’accueillir ou de refuser cette lumière, de demeurer dans les ténèbres ou de venir au jour. C’est pour cela que la création de la lumière, implique les ténèbres, qui ne sont pas créées par Dieu, mais qui sont le résultat de notre refus d’accueillir la lumière. Nous pouvons mettre un obstacle pour ne pas recevoir la lumière, nous pouvons rester dans l’obscurité. Mais, comme disent les Pères de l’Eglise et saint Grégoire de Nysse en particulier : l’ombre produite par un obstacle qui s’interpose à la lumière, est toujours limitée par les contours de l’objet, de l’écran, et la lumière ne cesse de l’entourer, à l’infini. Combien de temps pourrions-nous rester dans les ténèbres sans découvrir la lumière qui nous entoure, qui est tout près de nous. Ainsi, le vocabulaire inspiré par les images de la nature nous parle de notre condition spirituelle : nous sommes soit attirés par Dieu, par l’amour, ou bien nous restons dans les ténèbres, dans l’ignorance de la bonté divine, de son amour gratuit. Comme décrivant le rayonnement de la lumière, saint Thomas d’Aquin nous dit que Dieu est « diffusivum boni sui », c’est-à-dire qu’il répand son bien sur ses créatures, qu’il veut nous associer à sa joie, qu’il veut nous donner la vie, sa vie, son amour, afin que cet amour et cette joie soient en nous à leur comble et que nous eprouvions aussi cet amour parfait, le plus grand amour qui consiste à donner sa vie pour ceux qu’on aime, à vouloir qu’eux aussi partagent notre bonheur, notre joie. Voici les paroles de Jésus dans l’évangile :
« Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. Mon commandement, le voici : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime. » (Jean 15, 11-13).
C’est lui, Jésus, cette parole de Dieu qui crée. Venons donc maintenant au deuxième sens de l’Écriture, celui qui voit la parole de Dieu manifestée en Jésus Christ.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée et accomplie dans la personne de Jésus et dans l’Église, constituée par les membres du corps du Christ :

La Bible est considérée Parole de Dieu, mais ce qui est écrit peut-être interprété de façons différentes si nous ne connaissons pas dans quel esprit cela est dit. Nous pouvons y croire ou pas, nous pouvons aussi nous dire que ce sont seulement des paroles, mais ces paroles se traduisent-elles en actes ? C’est ainsi que la parole de Dieu s’est faite chair, afin que nous puissions croire au geste d’amour gratuit par lequel et dans lequel, il nous crée, c’est-à-dire il nous donne sa vie.

Or, cette parole de Dieu qui se fait chair est appelée en grec, dans l’évangile de saint Jean, lógos. Le mot lógos en grec a une acception beaucoup plus large que le mot parole, il ne se rapporte pas uniquement à une parole énoncée, verbalisée, mais comprends aussi toute le sagesse et « logique » divine qui donne vie au monde et dont la création manifeste l’ordre et la science par les principes qui la régissent et par la beauté et complexité de son agencement. Le lógos de Dieu imprègne tout ce qui existe, parce que toute la création que nous admirons est son œuvre. Donc, lorsque Dieu parle, c’est son lógos qui se manifeste et d’après les paroles de l’évangile, ce lógos s’est fait chair et il conduit les hommes vers sa lumière, vers la vision de dieu, à travers les œuvres d’amour dont nous-mêmes pouvons faire l’expérience.

Voyons, donc, le texte du début de l’évangile de saint Jean qui est lui-même une explication des paroles des premiers versets de la Genèse ci-dessus. Saint Jean a recueilli les explications de Jésus lui-même sur comment il est venu accomplir les Écritures et nous rendre visible l’œuvre de Dieu créateur qui donne sa vie au monde comme Jésus l’a offerte sur la croix.

« Dans l’arkhē était le lógos (ὁ λόγος) et le lógos était auprès de Dieu et le lógos était Dieu. Celui-ci était dans l’arkhē auprès de Dieu. Toutes choses sont venues à l’être par lui, et en dehors de lui pas une seule [chose] de ce qui a été engendré n’a été engendrée. En lui était vie et la vie était la lumière des hommes : et la lumière apparaît dans les ténèbres et les ténèbres ne peuvent pas la comprendre [la saisir ou l’arrêter]. » (Jean 1, 1-5).

Le début du texte de la Genèse nous introduit donc dans la tête de Dieu, dans son lógos, là où tout est conçu et donc crée. Ainsi, saint Paul nous introduit aussi dans ce plan divin du salut des êtres humains, celui qui est l’arkhē, l’origine de toute chose est aussi celui qui conduit l’œuvre à sa perfection en conduisant la créature des ténèbres à la pleine lumière où lui-même resplendit en chacun. Voici, ses paroles qui résument toute l’œuvre de la création et du salut :

 « Nous arrachant au pouvoir des ténèbres, il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé : en lui nous avons la rédemption, le pardon des péchés. Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre. Les êtres visibles et invisibles, Puissances, Principautés, Souverainetés, Dominations, tout est créé par lui et pour lui. Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église : c’est lui le commencement (arkhē), le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. Car Dieu a jugé bon qu’habite en lui toute plénitude et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. » (Colossiens 1, 13-20).

De même, saint Jean, dans sa vision de la réalité céleste dans laquelle il contemple l’accomplissement de l’œuvre divine et la participation des créatures à sa pleine lumière, une fois qu’elles auront été arrachées au pouvoir des ténèbres, nous dit :

« La nuit aura disparu, ils n’auront plus besoin de la lumière d’une lampe ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les illuminera ; ils régneront pour les siècles des siècles. » (Apocalypse 22, 5).

C’est de cela que nous parle aussi le texte de la Genèse de l’œuvre de Dieu qui consiste non seulement à créer le monde, mais à conduire ses créatures des ténèbres à la pleine lumière, à cette lumière de l’amour divin qui demeure à jamais, à ce jour unique et éternel qui ne connaît pas de coucher de soleil. Toutes ces étapes à travers lesquelles l’être humain est conduit des ténèbres à la pleine lumière sont donc décrites dans les sept jours qui nous parlent toujours de l’action de Dieu qui nous fait passer des ténèbres à la lumière.

Ces sept jours de la création dans lesquels l’œuvre de Dieu arrive à sa perfection, nous les voyons aussi dans les jours de la semaine sainte, au cours desquels nous célébrons l’œuvre du Christ qui nous fait passer des ténèbres de la mort à la pleine lumière de la résurrection. Méditer les jours de la semaine sainte, c’est contempler l’œuvre de Dieu, qui nous crée en nous donnant sa vie et qui mène cette vie à sa perfection, afin que nous aussi nous puissions croire et entrer ainsi dans la relation filiale confiante qui est au cœur du mystère de la Trinité. Ainsi, nous pourrons vaincre les ténèbres du doute qui nous séparent de Dieu et accéder à la pleine lumière de son amour gratuit. Ce premier jour est donc aussi le jour où Jésus accepte d’entrer à Jérusalem, accepte d’entrer dans nos ténèbres afin de les dissiper et d’y emmener la lumière. Il apporte et rend visible la lumière de son amour, du vrai visage de Dieu au monde et les ténèbres qui ne l’accueillent pas, indiquent l’égarement des créatures, l’aveuglement de ceux qui ne reconnaissent pas la source de la vie, de la joie, du bonheur et qui la cherchent là où elle n’est pas, dans ce qui est terrestre et passager : pouvoir, richesse, plaisirs, …

  1. L’œuvre de Dieu manifestée en chacun des membres du corps du Christ:

Le premier jour nous dit aussi comment chacun de nous est invité à accueillir la lumière. En effet, nous recevons la vie, lorsque nous réalisons qu’elle vient de Dieu. Cette reconnaissance de la source de la vie, unique pour tous les êtres transforme notre vision du monde, elle fait de nous un peuple de frères et sœurs, en ce sens elle nous illumine. Le jour du baptême est ainsi appelé en grec le jour de l’illumination car ayant identifié la source de la vie, nous devenons un peuple de frères et sœurs. Nous sommes cette eau qui reçoit l’esprit de Dieu. Accueillir cette lumière, c’est s’ouvrir à la connaissance de Dieu, reconnaître que toute vie vient de lui, celle-ci est la première étape, à travers laquelle l’être humain est arraché aux ténèbres.

 

2ème JOUR

ו וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים יְהִי רָקִיעַ בְּתוֹךְ הַמָּיִם וִיהִי מַבְדִּיל בֵּין מַיִם לָמָיִם
6 Et Dieu dit : “Que soit un espace au milieu des eaux » et il fut une séparation entre eau et eau.

ז וַיַּעַשׂ אֱלֹהִים אֶת-הָרָקִיעַ וַיַּבְדֵּל בֵּין הַמַּיִם אֲשֶׁר מִתַּחַת לָרָקִיעַ וּבֵין הַמַּיִם אֲשֶׁר מֵעַל לָרָקִיעַ וַיְהִי-כֵן
7 Et Dieu fit l’espace et il sépara l’eau qui est en dessous de l’espace de l’eau qui est au-dessus de l’espace et il fut ainsi.

ח וַיִּקְרָא אֱלֹהִים לָרָקִיעַ שָׁמָיִם וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר יוֹם שֵׁנִי
8 Et Dieu appela l’espace « cieux » et il fut soir et il fut matin jour deuxième.

Les trois sens de l’Écriture :

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans la nature :

Ces eaux qui sont séparées en deux, celles qui sont au-dessus de l’espace et celles qui sont en-dessous, nous indiquent donc deux réalités : l’eau qui descend des cieux est celle qui porte la parole de Dieu aux êtres humains, celle qui les relie avec la vie divine. On peut rappeler ici que le mot mayim eaux, a l’apparence d’un duel, c’est-à-dire d’un mot qui désigne une paire de choses, comme ici l’eau d’en-haut et l’eau d’en-bas et se termine en –ayim tout comme le mot shamayim, cieux, qui pourrait aussi être interprété comme duel, comme deux cieux. À noter aussi deux autres mots importants dans la Bible qui ont l’apparence d’un duel, se terminant en –ayim : Yerushalayim, Jérusalem et Mitsrayim, l’Egypte. Or, pour Jérusalem, on parle constamment dans la Bible d’une Jérusalem céleste, une Jérusalem d’en-haut, mais aussi de la Jérusalem terrestre, la ville où le peuple juif a érigé le temple de Dieu. Dans la Jérusalem terrestre se trouve aussi la montagne de Sion, la forteresse de David, et le psaume 86 nous parle ainsi de la Jérusalem céleste :

« Elle est fondée sur les montagnes saintes. Le Seigneur aime les portes de Sion plus que toutes les demeures de Jacob. Pour ta gloire on parle de toi, ville de Dieu ! « Je cite l’Égypte et Babylone entre celles qui me connaissent. » Voyez Tyr, la Philistie, l’Éthiopie : chacune est née là-bas. Mais on appelle Sion : « Ma mère ! » car en elle, tout homme est né. C’est lui, le Très-Haut, qui la maintient. Au registre des peuples, le Seigneur écrit : « Chacun est né là-bas. » Tous ensemble ils dansent, et ils chantent : « En toi, toutes nos sources ! ».

Cette ville où tout homme est né est celle qui représente le royaume de Dieu dans lequel les êtres humains sont nés à nouveau, à une vie nouvelle lorsqu’ils ont réalisé qu’ils étaient tous frères et sœurs. Selon la tradition, Sion est le nom ancien donné au mont situé à Jérusalem sur lequel Abraham aurait été prêt à offrir son fils Isaac (cela bien avant la fondation de la ville de Jérusalem). Mais cet épisode de la Bible annonçait aussi celui où le fils de Dieu, Jésus, offrira sa propre vie sur le mont appelé Golgotha, identifié par la suite avec le mont Sion. C’est en effet au pied de la croix que l’être humain trouve la vraie source de la vie, en Dieu qui l’offre à l’humanité dans l’amour et le pardon. C’est cette foi dans le don de Dieu qui fait naître chaque être humain à nouveau, à une relation nouvelle, filiale, avec Dieu, et à une relation nouvelle, fraternelle, avec son prochain.
L’autre mot qui présente aussi une forme identique à celle du duel est le mot Mitsrayim, Egypte. L’Egypte dans l’histoire du peuple hébreu est le pays où le peuple a été esclave, c’est une figure de l’esclavage. Mais ici aussi nous avons un sens qui est double : il y a l’esclavage physique et l’esclavage spirituel où l’être humain est lié à l’enchaînement des violences, lorsqu’il répond au mal par le mal, à l’offense par l’offense. Or, Jésus vient briser ces chaînes, nous affranchir du mal et de la mort par son pardon, en introduisant l’amour là où il y avait la haine, en brisant le mur qui sépare les êtres humains divisés.
Les eaux qui descendent du ciel sont donc celles qui portent l’esprit d’amour de Dieu aux eaux de l’humanité qui est en bas, mais qui au jour « un » a déjà reconnu où se trouve la source de la vie, la lumière.
L’espace appelé « cieux » (shamayim), mot qui a l’apparence d’un duel, évoque donc aussi cette réalité spirituelle, céleste, les créatures des cieux, les anges qui vont de la terre au ciel et du ciel vers la terre pour apporter la parole, l’inspiration, le secours de Dieu aux êtres humains. Rappelons-nous le rêve de Jacob :

« Voici qu’une échelle était dressée sur la terre, son sommet touchait le ciel, et des anges de Dieu montaient et descendaient. » (Genèse 28, 12)

Dans cette espace entre les cieux et la terre, les anges, les serviteurs et messagers de Dieu descendent vers le bas, vers les créatures pour les servir et leur porter la parole de Dieu et montent vers le haut pour servir Dieu, le contempler, et, dans son regard, connaître le monde pour l’aimer comme Il l’aime. Les Pères de l’Église nous expliquent à propos de ce rêve, que là aussi il y a l’annonce de l’incarnation de la Parole de Dieu qui s’est faite chair, qui a pris la condition des créatures. Ainsi, les anges peuvent servir Dieu en-haut dans le ciel et en bas sur la terre car il s’est fait l’un de nous.
Les ténèbres figurent donc l’aveuglement de l’être humain, prisonnier de ses rivalités, jalousies, séparé de la source de vie, d’amour, et les eaux du ciel le secours que Dieu apporte à ceux qui ont vu la lumière.
Il fut un soir, il fut un matin car par l’eau de son esprit, de sa parole, par le lien que nous pouvons établir avec Dieu dans la foi, la prière, en retrouvant notre relation filiale, il nous conduit des ténèbres à la lumière. Deuxième étape.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans le Christ et dans l’Église, formée par les membres du corps du Christ :

Voici comment Jésus lui-même nous parle de l’eau, de la source d’eau vive qui jaillit de lui-même, de son côté ouvert sur la croix, image de la vie qu’il a offerte pour nous, afin que nous aussi ayons la vie qui jaillit en nous :

« Dans le dernier jour, le grand jour, de la fête, Jésus s’était levé et cria en disant : “Si quelqu’un a soif qu’il vienne auprès de moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, comme a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vivante couleront de son ventre. Il dit ceci au sujet de l’esprit qu’allaient recevoir ceux qui auraient cru en lui : en effet, l’Esprit Saint n’était pas encore, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. » (Jean 7, 37-39)

Par ces mots, Jésus annonce que son esprit d’amour sera répandu sur les croyants et le signe visible de ce don de l’Esprit se réalisera au moment où il sera glorifié, c’est-à-dire crucifié, car Jésus annonce ainsi sa mort imminente : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. » (Jean 12, 23). Et ensuite, lorsqu’il sera mort sur la croix, « un des soldats avec sa lance lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. » (Jean 19, 34). C’est de cette eau que Jésus parle, unie au sang, signe de sa vie offerte pour la multitude. Elle annonce le don du baptême, c’est-à-dire de l’Esprit, car par l’acte de foi du baptême nous rentrons dans la relation filiale avec Dieu, source de la vie et nous recevons en nous l’Esprit d’amour de la relation filiale qui unit, dans la Trinité, le Père au Fils. Jésus nous invite à recevoir cet Esprit, à partager nous aussi la relation filiale qui l’unit à Dieu le Père, à vivre de l’Esprit d’amour qui fait de nous des Fils. Alors, nous nous aimerons comme frères et sœurs, comme Dieu nous aime.

De même, en parlant avec une femme Samaritaine, à la sixième heure, c’est-à-dire à la même heure où il allait mourir, annonçant le don de son esprit, de sa vie, il lui dit :

« Si tu avais connu le don de dieu et qui est celui qui te dit : « Donne-moi à boire », tu lui aurais demandé et il t’aurait donné une eau vivante, que quelqu’un boive de l’eau que moi je lui donnerai et il n’aura plus soif pour l’éternité et de plus l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source de vie jaillissante pour la vie éternelle. » (Jean 4, 10.14).

Jésus abreuve notre soif, notre esprit, de son esprit. Les croyants qui regardent vers lui, reçoivent cette eau du ciel, l’Esprit d’amour de Dieu. (Voir aussi l’article Jean 4, 1-42 La source d’eau vive).

Aussi d’autres nombreux passages de la Bible nous parlent de la source d’eau, une source qui vient de Dieu. Ainsi, le prophète Ezechiel, dans une vision, contemple le maison de Dieu, le temple où habite Dieu et voit de son côté droit jaillir une source :

« Sous le seuil de la Maison, de l’eau jaillissait vers l’orient, puisque la façade de la Maison était du côté de l’orient. L’eau descendait de dessous le côté droit de la Maison, au sud de l’autel. L’homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l’extérieur, jusqu’à la porte qui fait face à l’orient, et là encore l’eau coulait du côté droit. L’homme s’éloigna vers l’orient, un cordeau à la main, et il mesura une distance de mille coudées ; alors il me fit traverser l’eau : j’en avais jusqu’aux chevilles. Il mesura encore mille coudées et me fit traverser l’eau : j’en avais jusqu’aux genoux. Il mesura encore mille coudées et me fit traverser : j’en avais jusqu’aux reins. Il en mesura encore mille : c’était un torrent que je ne pouvais traverser ; l’eau avait grossi, il aurait fallu nager : c’était un torrent infranchissable. Alors il me dit : « As-tu vu, fils d’homme ? » Puis il me ramena au bord du torrent. Quand il m’eut ramené, voici qu’il y avait au bord du torrent, de chaque côté, des arbres en grand nombre. Il me dit : « Cette eau coule vers la région de l’orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu’elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Alors des pêcheurs se tiendront sur la rive depuis ‘Eyn-Guèdi jusqu’à ‘Eyn-Églaïm ; on y fera sécher les filets. Les espèces de poissons seront aussi nombreuses que celles de la Méditerranée. Mais ses marais et ses bassins ne seront pas assainis : ils seront réservés au sel. Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d’arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. » (Ézéchiel 47, 1-12)

Mais le temple de Dieu, la maison où Dieu habite sur terre, cette maison qui n’a pas été faite par la main des hommes, est le corps même de Jésus qui parle de lui-même comme étant le temple de Dieu :

« Des Juifs l’interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour agir ainsi ? » Jésus leur répondit : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai. » Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce sanctuaire, et toi, en trois jours tu le relèverais ! » Mais lui parlait du sanctuaire de son corps. » (Jean 2, 18-21).

C’est ce corps du Christ qui sera crucifié au sommet du Golgotha et c’est de son corps que coulera la source d’eau vive qui jaillit du côté droit de la Maison de Dieu, d’après la vision du prophète Ézéchiel. En effet, Dieu affirme souvent que ce n’est pas à l’homme de lui construire une maison. Cette maison, ce temple, où Dieu habite sur terre, c’est le Christ. Voici aussi l’affirmation de l’apôtre saint Luc :

« Le Très-Haut n’habite pas dans ce qui est fait de main d’homme, comme le dit le prophète : Le ciel est mon trône, et la terre, l’escabeau de mes pieds. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, quel sera le lieu de mon repos ? N’est-ce pas ma main qui a fait tout cela ? » (Actes 7, 48-50)

Dieu s’est donc fait lui-même une maison sur terre, cette maison c’est Jésus Christ, où réside en plénitude l’Esprit de Dieu, la vie divine. Cette vie qui a été offerte aux êtres humains sur la croix, cette vie qui a coulé dans l’eau et le sang qui ont jailli de son côté droit transpercé sur la croix. Nous voyons bien encore une fois l’importance de cette source, contemplée par Ézéchiel dans sa vision prophétique qui annonce l’œuvre de Dieu éternelle, accomplie en Jésus-Christ. La source qui jaillit du côté droit du temple devient un fleuve immense capable de rendre douces même les eaux amères de la Mer Morte. Voici l’image de la vie du Christ, de l’amour de Dieu qui va rejoindre les lieux arides de l’esprit humain, pour leur redonner espoir et vie, par son pardon offert à tous. Cette image du fleuve et de l’arbre qui porte du fruit en tout temps se retrouve encore dans la vision de l’Apocalypse de saint Jean, vision de la réalité céleste, de la Jérusalem céleste, du triomphe du Christ, immolé comme un agneau, sur le mal qui habite le cœur de l’être humain :

« Puis l’ange me montra l’eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau. Au milieu de la place de la ville, entre les deux bras du fleuve, il y a un arbre de vie qui donne des fruits douze fois : chaque mois il produit son fruit ; et les feuilles de cet arbre sont un remède pour les peuples. » (Apocalypse 22, 1)

Cet arbre duquel jaillit la vie, c’est Jésus, le Christ, c’est de lui aussi que parle le récit du jardin d’Eden, du paradis terrestre, au deuxième chapitre de la Genèse :

« Le Seigneur Dieu fit pousser du sol tout arbre loué pour son aspect et bon à manger et l’arbre de la vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Un fleuve sortait d’Éden pour irriguer le jardin et de là-bas il se divisait et devenait quatre têtes… » (Genèse 2, 9-10).

Les Pères de l’Église ont toujours identifié cet arbre de la vie, avec le bois de la croix. En hébreu bois et arbre se disent de la même façon. C’est de la croix, du côté droit du Christ comme du côté droit de la Maison de Dieu contemplée par Ézéchiel, qu’a jaillit l’eau de la vie, celle qui se répartit en quatre fleuves qui donnent vie au monde entier.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée en chacun des membres du corps du Christ :

L’eau est l’image de l’esprit, esprit d’amour de Dieu qui vivifie. Tout être humain créé à l’image de Dieu, reçoit la vie de Dieu, est animé par le souffle de Dieu, par son esprit. Mais cette eau, cet esprit, dans l’homme peut se corrompre, devenir amère, salée. Notre esprit, au lieu d’adhérer à l’amour de Dieu, dans la relation filiale, confiante, reconnaissante peut suivre des mauvaises pentes, inspirations, peut se corrompre. Ainsi, l’homme qui est dans les ténèbres, qui ne trouve plus la source véritable de la vie, de la joie, reçoit d’abord la lumière lorsqu’il reconnaît que cette source provient de Dieu et ensuite, deuxième étape, deuxième jour, il alimente cette vie de l’esprit de Dieu. Ainsi, l’eau qui est en bas des cieux, notre humanité, par la prière, puisant à l’esprit de Dieu est vivifié. Elle accueille l’eau du ciel, en accueillant la parole de Dieu qui s’est faite chair en Jésus-Christ. Ainsi, aussi selon l’ancienne tradition juive, les eaux d’en bas remontent vers le ciel par la prière et d’en-haut la grâce, l’esprit de Dieu descend sur nous et vivifie notre esprit, le remplissant de l’amour de Dieu et du prochain. Deuxième jour, deuxième étape : après avoir reconnu l’amour de Dieu, source de la vie pour tous les êtres, l’être humain entretient la relation filiale par la prière reliant son esprit à l’Esprit d’amour de Dieu et accueillant ainsi la parole de Dieu qui le vivifie et suscite en lui l’amour du prochain. L’être humain peut maintenant puiser à la source de l’amour, de la vie.

 

3ème JOUR

ט וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים יִקָּווּ הַמַּיִם מִתַּחַת הַשָּׁמַיִם אֶל-מָקוֹם אֶחָד וְתֵרָאֶה הַיַּבָּשָׁה וַיְהִי-כֵן
9 Et Dieu dit : « Que les eaux en dessous des cieux tendent vers un lieu unique et que soit vu ce qui est sec et il fut ainsi.

י וַיִּקְרָא אֱלֹהִים לַיַּבָּשָׁה אֶרֶץ וּלְמִקְוֵה הַמַּיִם קָרָא יַמִּים וַיַּרְא אֱלֹהִים כִּי-טוֹב
10 Et Elohim appela ce qui est sec terre et le regroupement des eaux, il l’appela « mers » et il vit, Elohim, que (cela est) bon.

יא וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים תַּדְשֵׁא הָאָרֶץ דֶּשֶׁא עֵשֶׂב מַזְרִיעַ זֶרַע עֵץ פְּרִי עֹשֶׂה פְּרִי לְמִינוֹ אֲשֶׁר זַרְעוֹ-בוֹ עַל-הָאָרֶץ וַיְהִי-כֵן
11 Et Elohim dit : « Que la terre fasse pousser des pousses d’herbe qui sèment une semence d’arbre fruitier qui fasse du fruit dans lequel est la semence pour son espèce sur la terre et il fut ainsi.

יב וַתּוֹצֵא הָאָרֶץ דֶּשֶׁא עֵשֶׂב מַזְרִיעַ זֶרַע לְמִינֵהוּ וְעֵץ עֹשֶׂה-פְּרִי אֲשֶׁר זַרְעוֹ-בוֹ לְמִינֵהוּ וַיַּרְא אֱלֹהִים כִּי-טוֹב
12 Et la terre fit sortir des pousses d’herbe qui sèment une semence chacune pour son espèce et des arbres qui font du fruit dans lequel il y a la semence chacune pour son espèce et Elohim vit que (cela est) bon.

יג וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר יוֹם שְׁלִישִׁי
13 Et il fut soir et il fut matin jour troisième.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans la nature :

Voici maintenant que les eaux d’en bas, celles qui ne sont pas assainies, adoucies, rendues potables par l’eau d’en haut sont regroupées dans la mer salée. Ainsi, la vie sera possible sur la terre pour ceux qui accueillent la rosée divine, l’eau de l’esprit qui descend du ciel. Ceux-ci seront comme des arbres et ils porteront du fruit. Voici ce que nous dit le psaume 1 :

« Heureux est l’homme qui n’entre pas au conseil des méchants, qui ne suit pas le chemin des pécheurs, ne siège pas avec ceux qui ricanent, mais se plaît dans la loi du Seigneur et murmure sa loi jour et nuit ! Il est comme un arbre planté près d’un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu’il entreprend réussira, tel n’est pas le sort des méchants. Mais ils sont comme la paille balayée par le vent : au jugement, les méchants ne se lèveront pas, ni les pécheurs au rassemblement des justes. Le Seigneur connaît le chemin des justes, mais le chemin des méchants se perdra. »

Voici, qu’est décrit en ce psaume l’homme juste, qui s’est démarqué du méchant, qui s’est séparé du mal, uni à Dieu par la foi, comme une terre prête à être fécondé par la parole de Dieu. Jésus lui-même nous parle de cette terre qui est prête à accueillir la foi et donc porter du fruit, parce qu’arrosée par l’Esprit de Dieu lui-même :

« Vous, donc, écoutez la parabole de celui qui a semé. Tous ceux qui entendent la parole du royaume et ne [la] comprennent pas, arrive le mauvais et arrache ce qui a été semé dans leur cœur ; ceci [est ce qui] a été semée le long du chemin. Ce qui a été semé sur un sol pierreux c’est celui qui écoute la parole et immédiatement, avec joie, il la reçoit : mais il n’a pas de racine en lui et il dure seulement un moment, une fois arrivée l’oppression ou la persécution à cause de la parole, immédiatement il vient à tomber. Ce qui a été semé sur les ronces, c’est celui qui écoute la parole et les occupations du siècle et la tromperie de la richesse étouffent la parole et devient incapable de porter du fruit. Ce qui a été semé sur la bonne terre, c’est celui qui écoute la parole et comprend, lui, il porte du fruit, qui produit cent, qui soixante, qui trente. » (Matthieu 13, 18-23)

L’arbre qui porte du fruit est donc l’image du juste qui par ses œuvres porte du fruit. Et porter du fruit, accomplir de bonnes œuvres d’après l’évangile signifie accueillir son prochain, comme les branches d’un arbre accueillent de nombreux oiseaux, sans distinction, sans tri. Les bras ouverts du Christ sur la croix offrent son amour et son pardon à la multitude. Voici encore une parabole de Jésus qui utilise l’image de l’arbre :

« À quoi le règne de Dieu est-il comparable, à quoi vais-je le comparer ? Il est comparable à une graine de moutarde qu’un homme a prise et jetée dans son jardin. Elle a poussé, elle est devenue un arbre, et les oiseaux du ciel ont fait leur nid dans ses branches. » (Luc 13, 19-20)

Bien évidemment les bonnes œuvres portent de bons fruits et les mauvaises des mauvais, chaque semence selon son espèce. Voici comment Jésus parle de l’homme trompeur à l’esprit double :

« Méfiez-vous des faux prophètes qui viennent à vous déguisés en brebis, alors qu’au-dedans ce sont des loups voraces. C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Va-t-on cueillir du raisin sur des épines, ou des figues sur des chardons ? C’est ainsi que tout arbre bon donne de beaux fruits, et que l’arbre qui pourrit donne des fruits mauvais. Un arbre bon ne peut pas donner des fruits mauvais, ni un arbre qui pourrit donner de beaux fruits. Tout arbre qui ne donne pas de beaux fruits est coupé et jeté au feu. Donc, c’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. (Matthieu 7, 15-20)

Voici encore des images de la nature qui sont aptes à nous parler de la réalité de l’esprit, du royaume des cieux car cette nature est l’œuvre de Dieu, manifestation de sa gloire, de l’échange d’amour trinitaire qui est en lui. C’est à partir de la dynamique de cet amour que les images de la nature peuvent nous parler de nos étapes spirituelles. (Pour d’autres parabole lire l’article Matthieu 13 Les paraboles du Royaume)

  1. L’œuvre de Dieu manifestée et accomplie dans la personne de Jésus et dans l’Église, constituée par les membres du corps du Christ :

Bien sûr ces paraboles et ces images de la nature nous parlent aussi de Jésus lui-même, elles annoncent d’abord ce qu’il allait accomplir pour sauver les êtres humains, ses enfants. Voyons comment Jésus parle de lui-même au moment où il doit annoncer sa mort et sa résurrection aux apôtres qui ne comprenaient pas encore ce qu’il entendait par résurrection :

« Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. » (Jean 12, 23-25)

Jésus allait être glorifié, c’est-à-dire allait montrer à tous la gloire de Dieu, l’immensité de son amour, en acceptant de donner sa vie par amour, sur la croix car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (Jean 15, 13). C’est lui le grain qui est tombé de la croix, enseveli pour féconder la terre, l’humanité, et lui faire porter du fruit. Ainsi, il montre l’exemple à ses disciples en disant que celui qui veut garder sa vie pour soi, égoïstement, la préserver aux dépends des autres, celui-là perd sa vie, perd la vie de l’Esprit qui est en lui car il se prive du lien fraternel d’amour qui le lie à son prochain. Tandis que celui qui ouvre ses bras pour accueillir son prochain, comme l’arbre qui étend ses branches, celui-là trouvera le bonheur de Dieu, la vie éternelle dans le don de sa vie, dans la communion et l’amour fraternel.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée en chacun des membres du corps du Christ :

À cette troisième étape, il est question, pour celui qui s’est ouvert à la foi, à la lumière, et entré dans une relation filiale avec Dieu, de préparer le terrain afin de porter du fruit. C’est l’image de la terre qui est séparée des eaux salées de la mer, afin d’accueillir l’eau du ciel, d’être fécondée, de faire pousser de l’herbe, des arbres et de porter du fruit.

Il s’agit donc de se séparer de l’agitation et du trouble de la mer du mode, c’est-à-dire de ce qui n’est pas adouci, guidé, par l’esprit d’amour de Dieu et de son prochain. Se séparer de la mer où règne la loi du plus fort, où le poisson plus grand mange le plus petit. Le croyant, donc, s’enracine dans la prière, dans la relation avec Dieu et se nourrit de sa parole qui est comme l’eau qui descend du ciel pour féconder la terre et ne remonte pas au ciel sans avoir fait porter du fruit à cette terre que nous sommes (selon la parole de Dieu rapportée par le prophète Isaïe). Le croyant s’enracine donc dans la foi, par les bonnes œuvres, afin de résister aux intempéries et porter du fruit. Nous sommes la terre qui doit être labourée afin de pouvoir accueillir la foi comme une graine qui, une fois morte à tout ce qui l’attache au mal, pourra grandir et porter du fruit dans l’accueil et le service du prochain. Et chacun portera du fruit selon sa semence, selon la relation de foi qui le lie à Dieu, à la vie, à son prochain. Voici comment Jésus s’adresse à ceux qui s’apprêtent à le suivre : Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera. Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il à gagner le monde entier, si c’est au prix de sa vie ? Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ? Car le Fils de l’homme va venir avec ses anges dans la gloire de son Père ; alors il rendra à chacun selon sa conduite. Amen, je vous le dis : parmi ceux qui sont ici, certains ne connaîtront pas la mort avant d’avoir vu le Fils de l’homme venir dans son Règne. » (Matthieu 16, 24-28).

4ème JOUR

יד וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים יְהִי מְאֹרֹת בִּרְקִיעַ הַשָּׁמַיִם לְהַבְדִּיל בֵּין הַיּוֹם וּבֵין הַלָּיְלָה וְהָיוּ לְאֹתֹת וּלְמוֹעֲדִים וּלְיָמִים וְשָׁנִים
14 Et Elohim dit: « Que soient des luminaires dans l’espace des cieux pour séparer le jour de la nuit et qu’ils soient des signes pour les temps fixés, les jours et les années.

טו וְהָיוּ לִמְאוֹרֹת בִּרְקִיעַ הַשָּׁמַיִם לְהָאִיר עַל-הָאָרֶץ וַיְהִי-כֵן
15 Et qu’ils soient des luminaires dans l’espace des cieux pour illuminer la terre et il fut ainsi.

טז וַיַּעַשׂ אֱלֹהִים אֶת-שְׁנֵי הַמְּאֹרֹת הַגְּדֹלִים אֶת-הַמָּאוֹר הַגָּדֹל לְמֶמְשֶׁלֶת הַיּוֹם וְאֶת-הַמָּאוֹר הַקָּטֹן לְמֶמְשֶׁלֶת הַלַּיְלָה וְאֵת הַכּוֹכָבִים
16 Et Elohim fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour gouverner le jour et le petit luminaire pour l’ordonnance de la nuit et des étoiles.

יז וַיִּתֵּן אֹתָם אֱלֹהִים בִּרְקִיעַ הַשָּׁמָיִם לְהָאִיר עַל-הָאָרֶץ
17 Et Elohim leur donna dans l’espace des cieux d’illuminer la terre.

יח וְלִמְשֹׁל בַּיּוֹם וּבַלַּיְלָה וּלְהַבְדִּיל בֵּין הָאוֹר וּבֵין הַחֹשֶׁךְ וַיַּרְא אֱלֹהִים כִּי-טוֹב
18 Et d’ordonner le jour et la nuit et de séparer la lumière et la ténèbre et Elohim vit que (cela est) bon.

יט וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר יוֹם רְבִיעִי
19 Et il fut soir et il fut matin jour quatrième.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans la nature :

Il a déjà été question de la lumière au premier jour, mais la lumière du premier jour est une lumière qui subsiste en dehors du monde créé, c’est la lumière du visage de Dieu, la lumière du regard de Dieu qui s’offre aux créatures. C’est la lumière de la résurrection. Les créatures pourront vraiment comprendre Dieu et le monde en voyant son amour pour elles. Ainsi les croyants, pourront aimer leur prochain comme Dieu l’aime parce qu’ils auront reconnu l’amour de Dieu. Ils deviendront donc un reflet de l’amour de Dieu en ce monde, pour aimer chacun comme Dieu l’aime. Voici, ce que nous dit l’évangéliste saint Jean :
« Bien-aimés, dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu, mais ce que nous serons n’a pas encore été manifesté. Nous le savons : quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu’il est. » (1 Jean 3, 2-3)

Voilà ce qu’implique la vision de Dieu, de devenir semblables à lui, reconnaître de quel amour nous sommes aimés, nous remplit d’amour à notre tour, de gratitude et reconnaissance. Alors, voyant comment Dieu a aimé chacun, nous aussi nous pourrons aimer chacun comme Dieu l’aime.
« Quant à nous, nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier. » (1 Jean 4, 19).

Et saint Paul :

« En effet, notre connaissance est partielle, nos prophéties sont partielles. Quand viendra l’achèvement, ce qui est partiel sera dépassé. Quand j’étais petit enfant, je parlais comme un enfant, je pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis un homme, j’ai dépassé ce qui était propre à l’enfant. Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce jour-là, je connaîtrai parfaitement, comme j’ai été connu. Ce qui demeure aujourd’hui, c’est la foi, l’espérance et la charité ; mais la plus grande des trois, c’est la charité. » (1 Corinthiens 9-13).

« Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres. Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. » (Jean 14, 8-13).

Voir Dieu, son amour pour nous en Jésus Christ implique donc de devenir semblables à lui, d’aimer comme il nous aime car nous verrons notre prochain avec un autre regard, le regard de celui qui lui a donné la vie et veut le conduire à la perfection de l’amour, le regard de celui qui voit en chacun un frère, une sœur, car tous nous recevons la vie d’une même source d’amour et nous sommes invités à vivre de cet amour. Alors, se réalise la promesse faite à Abraham :

« Je le jure par moi-même, oracle du Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m’as pas refusé ton fils, ton unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel. » (Genèse 22, 16-17)

En effet, Abraham, qui aurait été prêt à sacrifier son fils, a cru en cette source de vie, capable de lui rendre le fils par-delà la mort. En effet, Isaac, l’enfant d’Abraham était né à la suite de l’intervention divine alors qu’Abraham et sa femme étaient vieux.

« Voilà pourquoi on devient héritier par la foi : c’est une grâce, et la promesse demeure ferme pour tous les descendants d’Abraham, non pour ceux qui se rattachent à la Loi seulement, mais pour ceux qui se rattachent aussi à la foi d’Abraham, lui qui est notre père à tous. C’est bien ce qui est écrit : J’ai fait de toi le père d’un grand nombre de nations. Il est notre père devant Dieu en qui il a cru, Dieu qui donne la vie aux morts et qui appelle à l’existence ce qui n’existe pas. Espérant contre toute espérance, il a cru ; ainsi est-il devenu le père d’un grand nombre de nations, selon cette parole : Telle sera la descendance que tu auras ! Il n’a pas faibli dans la foi quand, presque centenaire, il considéra que son corps était déjà marqué par la mort et que Sara ne pouvait plus enfanter. Devant la promesse de Dieu, il n’hésita pas, il ne manqua pas de foi, mais il trouva sa force dans la foi et rendit gloire à Dieu, car il était pleinement convaincu que Dieu a la puissance d’accomplir ce qu’il a promis. Et voilà pourquoi il lui fut accordé d’être juste. En disant que cela lui fut accordé, l’Écriture ne s’intéresse pas seulement à lui, mais aussi à nous, car cela nous sera accordé puisque nous croyons en Celui qui a ressuscité d’entre les morts Jésus notre Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification. » (Lettre de saint Paul aux Romain 4, 16-25).

C’est donc par la foi en la source de la vie, en celui qui est capable de ressusciter les morts qu’on devient descendance d’Abraham, lumière pour tous les peuples, étoiles pour illuminer la terre :

« Tu ne seras plus appelé du nom d’Abram, ton nom sera Abraham, car je fais de toi le père d’une multitude de peuples. » (Genèse 17, 5)

Ici le mot peuple traduit le mot hébreu goyim (גּוֺיִם) qui désignes les autres peuples non juifs, en grec dans la Bible il est traduit par le mot éthnē (ἔθνη) littéralement ethnies, signifiant tous les peuples, les nations de la terre.

Ainsi, donc, selon le langage biblique c’est la foi et le témoignage de la foi qui est désigné par l’image des lumières célestes. Le soleil devient ainsi l’image du Christ qui apporte sa lumière sur la terre et dans la nuit c’est la lune qui illumine la terre, en reflétant la lumière du soleil et lorsque la lune semble être engloutie par les ténèbres, ce seront les étoiles qui serviront de point de repère. La lune devient donc image de l’Église, du corps du Christ, de tous ceux qui offriront leur vie par amour de leur prochain, reflet de l’Esprit de Dieu qui habite en nos cœurs, reflet de l’amour du Christ qui a donné sa vie pour nous. C’est lorsque le mal, les ténèbres semblent triompher contre le soleil de justice, lorsque les croyants sont persécutés que l’Église, lune, semble être engloutie par les ténèbres, mais c’est alors que les étoiles brillent davantage. Les étoiles deviennent donc l’image des témoins de la foi, de ceux qui sont capables d’offrir leur propre vie par amour du prochain, image de ceux qui ont faim et soif de la justice. Alors leur exemple servira aux peuples pour trouver le chemin de la victoire sur le mal.
Ainsi s’exprime saint Paul comparant ceux qui font la volonté de Dieu, ses enfants à des astres :
« Car c’est Dieu qui agit pour produire en vous la volonté et l’action, selon son projet bienveillant. Faites tout sans récriminer et sans discuter ; ainsi vous serez irréprochables et purs, vous qui êtes des enfants de Dieu sans tache au milieu d’une génération tortueuse et pervertie où vous brillez comme les astres dans l’univers, en tenant ferme la parole de vie. » (Lettre aux Philippiens 2, 13-16).

  1. L’œuvre de Dieu manifestée et accomplie dans la personne de Jésus et dans l’Église, constituée par les membres du corps du Christ :

La promesse de Dieu à Abraham, allait s’accomplir en Jésus. En effet, d’abord le peuple hébreu a compris cette promesse comme s’adressant aux enfants nés par la chair et le sang d’Abraham. Ainsi, lorsque son petit-fils Jacob a eu douze enfants, il les a bénis et ceux-ci ont formé les douze tribus d’Israël, mais la promesse faite à Abraham d’être le père d’une multitude de peuples, d’une descendance aussi nombreuse que les étoiles, allait s’accomplir par la descendance de Juda, fils de Jacob, car c’est dans la tribu de Juda qu’est né David et ensuite Jésus. Ainsi, dans la Bible, Balaam prophétise au sujet du messie qui naître dans la descendance de Jacob :

« Ce héros, je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. » (Nombres 24, 17)

En effet, Jésus né dans la descendance de Jacob et de David, a créé un nouveau peuple auquel on appartient par la foi et non plus par la naissance, un peuple qui regroupe en frères et sœurs des multitudes de personnes de toutes langues, peuples et nations.

Ce peuple nouveau est contemplé par saint Jean dans la vision qui lui dévoile le royaume de Dieu, la victoire de l’agneau :

« Après cela, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. » (Apocalypse 7, 9)


Et au début de l’évangile de Jean, il est rappelé :
« À tous ceux qui l’ont reçu, il a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu, eux qui croient en son nom. Ils ne sont pas nés du sang, ni d’une volonté charnelle, ni d’une volonté d’homme : ils sont nés de Dieu. » (Jean 1, 12-13)

En effet, Jésus appelle à une nouvelle naissance, à reconnaître par la foi que toute vie vient de Dieu, que nous sommes une multitude de frères et sœurs qui recevons la vie d’une même source, voici le sens du baptême, naissance à une vie nouvelle où nous formons une nouvelle famille. Voici les mots mêmes de Jésus :

« Amen, amen, je te le dis : personne, à moins de naître de l’eau et de l’Esprit, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit est esprit. » (Jean 3, 5-6).

Ainsi, cette nouvelle naissance pourra rassembler en une seule famille des personnes de toute origine, peuples et nations qui reconnaîtront en chaque être humain, croyant ou non-croyant un frère et une sœur. Ainsi, chacun pourra être une lumière, une étoile pour les gens de toute origine, ethnies et non seulement ceux qui sont nés par une filiation liée à la chair.

Voici le sens de l’étoile aperçue par ceux qui scrutaient le ciel en Orient à la naissance de Jésus :

« Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. » (Matthieu 2, 1-2)

De même lorsqu’après sa naissance Jésus fut présenté au temple par Marie et Joseph, un vieillard, appelé Siméon, le prit dans le bras et prophétisa :

« Maintenant, ô Maître souverain, tu peux laisser ton serviteur s’en aller en paix, selon ta parole. Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. » (Luc 2, 29-32)

Jésus, en effet, offrira sa vie, son amour à tous les peuples et il enverra ses disciples annoncer à toutes les nations que le Royaume de Dieu est tout proche, que nous pouvons vivre en frères et sœurs sur la terre comme au ciel car nous recevons tous la vie de la même source.

Et Jésus dit lui-même au dernière chapitre de l’Apocalypse :
« Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » (Apocalypse 22, 16).

  1. L’œuvre de Dieu manifestée en chacun des membres du corps du Christ :

Dieu sépare le jour de la nuit, il nous fait passer des ténèbres à la lumière par sa victoire sur le mal et la mort, victoire de l’amour. Cette victoire allait s’accomplir par Jésus sur la croix, où il a offert sa vie pour la multitude :

« Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. » (Matthieu 26, 26-27)

Mais, auparavant Jésus avait déjà montré aux apôtres qu’en lui se trouve la source de la vie, lorsqu’il a ressuscité Lazare qui était mort depuis quatre jours. En effet, lorsqu’on a annoncé à Jésus que Lazare était malade, Jésus n’est pas parti tout de suite pour aller le visiter, mais a attendu deux jours, afin d’arriver chez lui au quatrième jour de sa mort, pour nous signifier qu’en ce quatrième jour, lui qui est la vie, peut arracher ses créatures au pouvoir des ténèbres et de la mort et les ramener à la vie, à la pleine lumière. Ainsi, il forme la foi de ses disciples afin que ceux-ci puissent apporter cette lumière d’espérance au monde. Voyons le récit de la résurrection de Lazare :

« Quand il apprit que celui-ci était malade, il demeura deux jours encore à l’endroit où il se trouvait. Puis, après cela, il dit aux disciples : « Revenons en Judée. » Les disciples lui dirent : « Rabbi, tout récemment, les Juifs, là-bas, cherchaient à te lapider, et tu y retournes ? » Jésus répondit : « N’y a-t-il pas douze heures dans une journée ? Celui qui marche pendant le jour ne trébuche pas, parce qu’il voit la lumière de ce monde ; mais celui qui marche pendant la nuit trébuche, parce que la lumière n’est pas en lui. » Après ces paroles, il ajouta : « Lazare, notre ami, s’est endormi ; mais je vais aller le tirer de ce sommeil. » Les disciples lui dirent alors : « Seigneur, s’il s’est endormi, il sera sauvé. » Jésus avait parlé de la mort ; eux pensaient qu’il parlait du repos du sommeil. Alors il leur dit ouvertement : « Lazare est mort, et je me réjouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Thomas, appelé Didyme (c’est-à-dire Jumeau), dit aux autres disciples : « Allons-y, nous aussi, pour mourir avec lui ! » À son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau depuis quatre jours déjà. » (Jean 11, 6-17)

Nous voyons dans ce récit l’importance de la succession des jours, afin de mettre en évidence que l’œuvre de Jésus nous révèle l’œuvre de la création. Jésus, ainsi, forme la foi de ses disciples à la résurrection, il leur fait comprendre la différence entre la vie et la mort. On peut être vivants sur la terre, mais être morts et dans les ténèbres si nous ne reconnaissons pas la vraie source de la vie, si nous n’entrons pas dans une relation fraternelle avec nos frères et sœurs du monde entier et que nous ne goûtons pas à la joie de nous aimer les uns les autres. Ainsi, Jésus ne dit pas que Lazare, mort aux yeux des hommes, est véritablement mort, il dit qu’il s’est endormi, qu’il repose, qu’il est entré dans le repos de Dieu, ce repos qui attend l’être humain lorsque il s’est réconcilié avec celui qui lui a donné la vie, lorsqu’il a remis sa vie entre ses mains, dans la confiance. Celle-ci sera la dernière étape du chemin de foi, celle qui nous fera entrer dans le septième jour, le jour du repos de Dieu de son œuvre, le jour où l’œuvre du salut des êtres humains sera accompli.

Voyons donc la suite du récit de la résurrection de Lazare :

« Marthe dit à Jésus : « Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je le sais, tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te l’accordera. » Jésus lui dit : « Ton frère ressuscitera. » Marthe reprit : « Je sais qu’il ressuscitera à la résurrection, au dernier jour. » Jésus lui dit : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » Elle répondit : « Oui, Seigneur, je le crois : tu es le Christ, le Fils de Dieu, tu es celui qui vient dans le monde. » (Jean 11, 21-27)

Et après l’arrivé de l’autre sœur de Lazare, Marie, Jésus, après avoir pleuré avec elles, alla au tombeau :

« Jésus, à nouveau pris par l’émotion, arriva au tombeau. C’était une grotte fermée par une pierre. Jésus dit : « Enlevez la pierre. » Marthe, la sœur du défunt, lui dit : « Seigneur, il sent déjà ; c’est le quatrième jour qu’il est là. » Alors Jésus dit à Marthe : « Ne te l’ai-je pas dit ? Si tu crois, tu verras la gloire de Dieu. » On enleva donc la pierre. Alors Jésus leva les yeux au ciel et dit : « Père, je te rends grâce parce que tu m’as exaucé. Je le savais bien, moi, que tu m’exauces toujours ; mais je le dis à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Après cela, il cria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » Et le mort sortit, les pieds et les mains liés par des bandelettes, le visage enveloppé d’un suaire. Jésus leur dit : « Déliez-le, et laissez-le aller. » (Jean 11, 38-44)

Malheureusement après la résurrection de Lazare, la jalousie et la haine contre Jésus furent encore plus fortes, l’évangile nous dit :

« À partir de ce jour-là, ils décidèrent de le tuer. » (Jean 11, 53)

Les ténèbres essaient d’offusquer la lumière de la résurrection. De même lorsque Judas sortira du repas de communion avec Jésus lors de la dernière cène, l’évangile nous rappelle qu’il entra dans la nuit :

« Judas prit donc la bouchée, et sortit aussitôt. Or il faisait nuit. Quand il fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. » (Jean 13, 30-31)

Judas entre dans la nuit, mais Jésus annonce que dans cette nuit, où l’homme est aveuglé, il brillera de la gloire de Dieu, c’est-à-dire qu’il révèlera tout l’amour de Dieu sur la croix. Il sera l’astre de lumière qui brille dans la nuit. Lorsque les ténèbres s’imaginent d’avoir gagné sur la lumière, les astres brillent encore d’avantage et la lune commence à croître à nouveau.

De même, la haine, la rivalité qui emprisonnent les êtres humains semblent régner sur la terre, comme les ténèbres qui engloutissent la lune. Cette lune sera l’image de l’Église, du corps du Christ, de l’ensemble de ceux qui, comme des étoiles qui resplendissent dans la nuit, portent le témoignage de la résurrection au monde, au prix de leur vie si nécessaire. Martyrs, témoins de la résurrection.

Ainsi, c’est le pardon de Dieu qui finit par vaincre l’obstination et l’incroyance, lorsque Jésus nous aura montré son visage de miséricorde même envers ses ennemis, ses persécuteurs.

Par ce miracle nous est montré le passage de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière. Le mort, Lazare, a les mains et les pieds lié et le visage couvert. C’est l’image de la mort spirituelle de chacun, lorsque nous sommes liés à l’enchaînement des violences, lorsque nous répondons au mal avec le mal, à l’offense avec l’offense. Jésus est venu nous libérer de tout ce qui nous retient captifs, de tout ce qui nous enchaîne et il est aussi venu ôter le voile sur notre visage qui nous empêchait de voir la source de la vie qui nous unit tous les uns autres. Il nous révèle que nous sommes tous enfants de Dieu, frères et sœurs, qu’en lui se trouve la résurrection et la vie. Il enverra ainsi les apôtres être lumière pour tous les peuple de la terre :

 « Allez dans le monde entier. Proclamez la bonne nouvelle à toute la création. » (Marc 16, 15)

« Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » (Jean 20, 22-23)

« Amen, je vous le dis : tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » (Matthieu 18, 18)

Ils seront ainsi lumière du monde, comme la lune qui reçoit sa lumière du soleil. Ceux qui étaient dans les ténèbres de la mort ont connu la lumière.

« Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord de la mer de Galilée, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. C’était pour que soit accomplie la parole prononcée par le prophète Isaïe : Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée des nations ! Le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays et l’ombre de la mort, une lumière s’est levée. À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : « Convertissez-vous, car le royaume des Cieux est tout proche. » (Matthieu 4, 13-17)

Une autre image importante de ce nouveau peuple de frères et sœurs nous est offerte par saint Jean qui relate sa vision dans le livre de l’Apocalypse, vision de la victoire de la lumière sur les ténèbres, victoire du Christ et de la multitude des saints qui ont été un reflet de sa gloire en ce monde, comme autant d’étoiles.

Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles. (Apocalypse 12, 1)

Cette femme figure l’Église peuple de Dieu, assemblée de ceux qui sont appelés à vivre de la plénitude de la vie, de l’amour de Dieu, rassemblant hommes et femmes de toutes langues, peuples et nations. Voici toujours dans cette vision de la paix et de la victoire de l’agneau de Dieu, Jésus qui s’est immolé pour nous tous, les étapes des premiers jours de la création : lui qui est la lumière, abreuve de sa vie le monde, comme l’agneau immolé qui a versé son sang pour que le monde ait la vie. Cette vie accueillie par les hommes est figurée par un arbre qui porte du fruit douze fois et qui offre la vie aux nations, aux peuples du monde. Ceux qui contemplent le visage de Dieu sont illuminés par lui et n’ont plus besoin d’une lampe ou d’une autre lumière car ils ont revêtu la lumière :

« Puis l’ange me montra l’eau de la vie : un fleuve resplendissant comme du cristal, qui jaillit du trône de Dieu et de l’Agneau. Au milieu de la place de la ville, entre les deux bras du fleuve, il y a un arbre de vie qui donne des fruits douze fois : chaque mois il produit son fruit ; et les feuilles de cet arbre sont un remède pour les nations. Toute malédiction aura disparu. Le trône de Dieu et de l’Agneau sera dans la ville, et les serviteurs de Dieu lui rendront un culte ; ils verront sa face, et son nom sera sur leur front. La nuit aura disparu, ils n’auront plus besoin de la lumière d’une lampe ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les illuminera ; ils régneront pour les siècles des siècles. » (Apocalypse 22, 1-5).

Voici donc expliquée l’image de la femme ayant le soleil pour manteau, la lune sous les pieds et la couronne d’étoiles. La lune qui reflète la lumière du soleil dans la nuit du monde, la lune qui grandit chaque fois que les ténèbres semblent remporter la victoire, les étoiles qui brillent dans les ténèbres témoins de l’amour de Dieu pour ses enfants. Tout cela nous rappelle ces quatre premiers jours, ces étapes de la nuit au jour, par la lumière, l’eau, l’arbre, les étoiles.

5ème jour

כ וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים יִשְׁרְצוּ הַמַּיִם שֶׁרֶץ נֶפֶשׁ חַיָּה וְעוֹף יְעוֹפֵף עַל-הָאָרֶץ עַל-פְּנֵי רְקִיעַ הַשָּׁמָיִם
20 Et Elohim dit: « Que bougent les eaux d’un mouvement d’âmes vivantes et que les oiseaux volent sur la terre sous l’espace des cieux.

כא וַיִּבְרָא אֱלֹהִים אֶת-הַתַּנִּינִם הַגְּדֹלִים וְאֵת כָּל-נֶפֶשׁ הַחַיָּה הָרֹמֶשֶׂת אֲשֶׁר שָׁרְצוּ הַמַּיִם לְמִינֵהֶם וְאֵת כָּל-עוֹף כָּנָף לְמִינֵהוּ וַיַּרְא אֱלֹהִים כִּי-טוֹב
21 Et Elohim créa les grands monstres marins et toutes les âmes vivantes qui bougent [sans membres] et se meuvent dans les eaux de différentes espèces, et tous les oiseaux ailés de différentes espèces, et Elohim vit que (cela est) bon.

כב וַיְבָרֶךְ אֹתָם אֱלֹהִים לֵאמֹר פְּרוּ וּרְבוּ וּמִלְאוּ אֶת-הַמַּיִם בַּיַּמִּים וְהָעוֹף יִרֶב בָּאָרֶץ
22 Et Elohim les bénit en disant: « Portez du fruit et multipliez-vous et remplissez les eaux dans les mers et que les oiseaux se multiplient sur la terre.

כג וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר יוֹם חֲמִישִׁי
23 Et il fut soir et il fut matin jour cinquième.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans la nature :

Selon les mots de la Bible, les animaux sont des âmes vivantes, c’est-à-dire qu’ils possèdent un principe vital, l’homme aussi est une âme vivante, un animal. Ce principe vital révèle aussi un instinct propre à chaque espèce d’animal, un instinct qui le maintient en vie, qui assure sa survie, sa façon de se nourrir, etc. Or, nous le verront au jour suivant, ce principe vital, cette âme vivante peut recevoir le souffle de Dieu, qui va orienter les êtres humains vers les réalités célestes et éternelles, qui va les diriger là où ils pourront trouver leur vrai bonheur. Au deuxième chapitre de la Genèse, lorsque Dieu présente tous les types d’animaux à Adam, il est dit qu’Adam ne trouva pas parmi eux une aide qui puisse se tenir comme en face (כְּנֶגְדּֽוֹ kenegdo) de lui. Or, ce mot neghed désigne ce qui est en face de nous, devant nous. L’aide qui est nécessaire à l’être humain est celle qui se tiendra devant lui, en face de lui afin qu’il puisse la suivre et ainsi être en présence de Dieu. Dieu est amour, relation, l’Esprit de Dieu est la relation d’amour qui nous unit les uns aux autres. Il faut être en face de quelqu’un, se tenir en sa présence, l’avoir devant nous pour être en relation avec lui. Alors, cette relation devient pour nous une aide véritable qui nous introduit à la présence de Dieu :

« Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Matthieu 22, 37-39).

Or, le mot entolē (ἐντολή) que nous traduisons par commandement est formé à partir du mot télos, but, perfection, et indique ce que nous devons accomplir, en quoi consiste notre but. Il ne s’agit pas d’un ordre arbitraire mais de ce qui nous conduit à la perfection, à réaliser notre but. Dans l’Ancien Testament, en hébreu les commandements sont simplement appelés les « paroles » de Dieu, celle qui expriment son lógos, son raisonnement, sa volonté de nous conduire à lui, à travers l’amour de lui et de notre prochain.

Nous ne pouvons vivre l’amour et donc faire l’expérience de la joie de Dieu qu’en aimant notre prochain, celui qui se tient en face de nous, devant nous et nous renvoie à la présence de Dieu, nous permet de vivre notre relation d’amour avec Dieu. À travers l’amour que nous portons à notre prochain, nous honorons la présence de Dieu, son propre souffle vital qui l’anime. L’âme vivante devient ainsi l’image de l’âme qui est susceptible de recevoir le souffle divin, l’Esprit de Dieu, sa propre vie, Esprit que Dieu va insuffler dans l’être humain, afin de le conduire à la pleine ressemblance avec lui par l’expérience de l’amour. (voir Genèse 2, 7). Les animaux sont donc une image de cette âme vivante qui doit être conduite à la pleine lumière de l’amour de Dieu. Ceux qui vivent dans les eaux salées de la mer doivent être pêchés et conduits vers les eaux douces de l’Esprit de Dieu. La mer et ses flots qui peuvent nous engloutir sont une image de ce monde où règnent les ténèbres, où le poisson plus grand mange le plus petit. Cette loi et cet instinct ont besoin de recevoir la lumière, doivent être orientés vers la vraie source de la vie, doivent être conduits vers les eaux tranquilles du royaume de Dieu. De même pour les oiseaux qui vivent dans le ciel mais qui s’orientent vers des nourritures terrestres. Les textes bibliques divisent les animaux en purs et impurs, c’est-à-dire ceux qui ont une conduite de laquelle nous pouvons tirer un exemple et ceux qui ont une conduite réprouvable (Lévitique 11). Parmi les oiseaux impurs par excellence, ceux qui se nourrissent de cadavres ou les rapaces qui mangent leurs semblables. Plus délicats et inspirants sont les oiseaux qui se nourrissent de graines.
Ainsi, il nous est facile de comprendre et d’analyser notre propre conduite en jugeant la conduite d’un animal plutôt que de porter un jugement sur une personne dont nous ne connaissons pas tout. On peut ainsi juger des actes et non pas des personnes. « Tu ne jugeras pas » (Matthieu 7, 1), nous dit Jésus. Nous utilisons, ainsi, dans notre propre vocabulaire des noms d’animaux qui désignent des conduites reprochables ou indignes : par exemple le porc pour sa saleté, les rapaces qui attaquent les petits, les vautours et ceux qui se nourrissent de cadavres, profiteurs des disgrâces d’autrui, les serpents qui attirent dans leurs pièges, les requins par leur violence, les pieuvres par l’étendue de leur tentacules qui nous enserrent de toute part, les animaux qui vivent sous la terre et sont souvent aveugles ou se nourrissent d’aliments répugnants. Toutes ces espèces d’animaux impurs sont énumérées dans le chapitre 11 du livre du Lévitique.
Mais, nous pouvons tout aussi bien trouver parmi les animaux ceux qui nous touchent par leur délicatesse, leur fidélité, leur pureté ou innocence. Prenons l’agneau et la colombe par exemple. L’agneau désigne la victime innocente, ainsi Jésus, le Messie, sera appelé l’agneau de Dieu, la victime innocente qui a été conduite à l’abattoir sans proférer mot (Isaïe 53, 7 et Jean 1, 29). La colombe dont on loue la beauté des yeux, la fidélité, mais qui émet une lamentation est souvent prise en exemple dans la Bible. La colombe fait son nid dans la fente du rocher, mais le rocher dans lequel Moïse s’est abrité pour voir Dieu passer devant lui est une image du Christ, c’est lui notre rocher, c’est de son côté ouvert que nous recevons la vie, tout comme le peuple au désert a été abreuvé par une source que Moïse a fait jaillir du rocher en le frappant avec son bâton. La colombe a donc de beaux yeux car elle a trouvé son rocher, celui en qui elle peut s’abriter. C’est une image du chrétien qui trouve son refuge en Jésus-Christ, mais elle est aussi une image de l’Esprit Saint lui-même qui planait au-dessus de Jésus lors de son baptême (Matthieu 3, 16). En effet, déjà au tout début du livre da la Genèse, l’esprit de Dieu est comme un oiseau qui déploie ses ailes au-dessus des eaux. La colombe, comme tout oiseau et comme la poule est une image de la tendresse de la mère lorsqu’elle couve ses petits et infuse en eux son amour, sa chaleur vitale. La colombe émet aussi un cri qui sonne comme une lamentation et la Bible nous dit que ce cri rappelle celui de Rachel qui pleure la mort de ses enfants. Les poissons sont une image de la fécondité, de ce qui peut se multiplier en très grande quantité, mais aussi de celui qui sera transpercé, grillé, sacrifié et dont on pourra se nourrir, comme d’une nourriture pure et délicate. Jésus multipliera les poissons et se nourrira de poissons grillés. Les premiers chrétiens appelleront Jésus le poisson, en grec ichtus, car avec les initiales de ce mot, ils pourront dire ses attributs (I pour Iesus, Ch pour Christos, T pour Théos, Dieu, ‘U pour ‘Uyos, fils, S pour Sōtēr, Sauveur). Et ce poisson qui vit dans les eaux douces du lac formé par les eaux du Jourdain où Jésus a été baptisé, nous dit aussi que les êtres humains qui ont été pêchés avec les filets de la bonne nouvelle de la parole de Dieu et arrachés aux eaux salées, ont été conduits à la source d’eau vive et trouvé une nouvelle vie par le baptême. Les premiers chrétiens disaient : « Nous sommes les petits poissons qui avons trouvé la vie dans l’eau de l’esprit et nous devons demeurer dans l’esprit pour rester en vie, petits poissons à la suite du Christ. » Le Christ est le poisson qui se donne en nourriture et qui multiplie la vie par les eaux du baptême.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée et accomplie dans la personne de Jésus et dans l’Église, constituée par les membres du corps du Christ :

Ainsi, aussi bien dans la mer que dans le ciel nous voyons des âmes vivantes qui ont besoin de trouver le chemin vers la lumière, vers l’amour de Dieu et du prochain.
Voici que Jésus fera de ses disciples des pêcheurs d’hommes afin d’arracher les êtres humains aux ténèbres et les conduire vers les eaux douces de l’esprit d’amour de Dieu, de les mettre en relation fraternelle d’amour les uns avec les autres, ceci est le royaume de Dieu : les uns au service des autres pour la joie mutuelle.

De même que les oiseaux, les êtres humains sont invités à chercher les réalités célestes. Voici le langage utilisé par saint Paul pour nous parler du passage des ténèbres de la mort à la lumière de la résurrection, de ce monde au ciel où demeure le Père :

« Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre. En effet, vous êtes passés par la mort, et votre vie reste cachée avec le Christ en Dieu. Quand paraîtra le Christ, votre vie, alors vous aussi, vous paraîtrez avec lui dans la gloire. Faites donc mourir en vous ce qui n’appartient qu’à la terre : débauche, impureté, passion, désir mauvais, et cette soif de posséder, qui est une idolâtrie. (Colossiens 3, 1-5)

Voici ce dont nous devons être débarrassés afin d’être comblés de la bonté et du bonheur de Dieu :

« Mais maintenant, vous aussi, débarrassez-vous de tout cela : colère, emportement, méchanceté, insultes, propos grossiers sortis de votre bouche. Plus de mensonge entre vous : vous vous êtes débarrassés de l’homme ancien qui était en vous et de ses façons d’agir, et vous vous êtes revêtus de l’homme nouveau qui, pour se conformer à l’image de son Créateur, se renouvelle sans cesse en vue de la pleine connaissance. Ainsi, il n’y a plus le païen et le Juif, le circoncis et l’incirconcis, il n’y a plus le barbare ou le primitif, l’esclave et l’homme libre ; mais il y a le Christ : il est tout, et en tous. Puisque vous avez été choisis par Dieu, que vous êtes sanctifiés, aimés par lui, revêtez-vous de tendresse et de compassion, de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. Supportez-vous les uns les autres, et pardonnez-vous mutuellement si vous avez des reproches à vous faire. Le Seigneur vous a pardonnés : faites de même. Par-dessus tout cela, ayez l’amour, qui est le lien le plus parfait. Et que, dans vos cœurs, règne la paix du Christ à laquelle vous avez été appelés, vous qui formez un seul corps. Vivez dans l’action de grâce. (Colossiens 3, 8-15)

Or, il est très important de savoir que ce passage ne se fait pas au moment de notre mort, ce serait trop tard, il s’agit bien d’être arrachés dès maintenant aux ténèbres de l’ignorance du don de Dieu, de reconnaître dès maintenant son amour pour nous et de passer ainsi par la foi à cette vie nouvelle où nous vivons en frères et sœurs. Saint Paul nous rappelle que c’est maintenant que nous sommes passés de la mort à la vie et ressuscités avec le Christ, c’est maintenant que nous revêtons l’homme nouveau. Tout cela est aussi bien signifié par les gestes du rituel du baptême où l’on passe à travers l’eau, où l’on reçoit la source de la vie, l’onction de l’Esprit qui pénètre profondément l’esprit de l’homme, l’habit blanc qui dit sa naissance à la vie nouvelle, le pardon de ses péchés, et la bougie, la lumière qui permet de reconnaître la présence de Dieu en chacune de ses créatures, de les connaître autrement par l’amour de Dieu et de les aimer autrement, de voir en chacun et chacune ce qui est bon, beau, l’œuvre de Dieu.

« Menez donc votre vie dans le Christ Jésus, le Seigneur, tel que vous l’avez reçu. Soyez enracinés, édifiés en lui, restez fermes dans la foi, comme on vous l’a enseigné ; soyez débordants d’action de grâce. Prenez garde à ceux qui veulent faire de vous leur proie par une philosophie vide et trompeuse, fondée sur la tradition des hommes, sur les forces qui régissent le monde, et non pas sur le Christ. Car en lui, dans son propre corps, habite toute la plénitude de la divinité. En lui, vous êtes pleinement comblés, car il domine toutes les Puissances de l’univers. En lui, vous avez reçu une circoncision qui n’est pas celle que pratiquent les hommes, mais celle qui réalise l’entier dépouillement de votre corps de chair ; telle est la circoncision qui vient du Christ. Dans le baptême, vous avez été mis au tombeau avec lui et vous êtes ressuscités avec lui par la foi en la force de Dieu qui l’a ressuscité d’entre les morts. Vous étiez des morts, parce que vous aviez commis des fautes et n’aviez pas reçu de circoncision dans votre chair. Mais Dieu vous a donné la vie avec le Christ : il nous a pardonné toutes nos fautes. Il a effacé le billet de la dette qui nous accablait en raison des prescriptions légales pesant sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix. » (Colossiens 2, 6-14)

Dieu vit « que bon » : à chaque jour, à chaque passage des ténèbres à la lumière, le récit conclut avec cette affirmation, en hébreu kiy-ṭov (כִּי-טוֹב). Or, la conjonction kiy indique souvent un motif, un « parce que » ou bien simplement un « que ». Le mot ṭov désigne ce qui est bon. Dieu voit et contemple d’avance ce qui est bon et aussi pourquoi cela est bon. En effet, nous pourrions nous dire qu’être dans les ténèbres ou dans des eaux où des animaux grands mangent les petits, etc., que tout cela n’est pas bon. Pourtant, nous voyons ici le plan de Dieu et comment il peut tout conduire au bien, au bon. Il s’agit en effet du passage des ténèbres à la lumière, de l’ignorance à la contemplation de la bonté de Dieu, il s’agit d’ouvrir les yeux à la beauté à laquelle nous sommes appelés. Ce passage sera aussi bien signifié dans l’évangile, dans la semaine sainte au moment où Jésus s’apprête à achever son œuvre de salut, en livrant sa vie, en offrant sa vie pour le salut du monde, l’évangile dit :

« Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout. » (Jean 13, 1)

Aimer jusqu’au bout (εἰς τέλος eis télos), jusqu’à l’accomplissement, l’achèvement, la perfection, là où ses paroles, ses commandements (entolés) veulent nous conduire, à la plénitude de son amour.
Ainsi dans ce verset de la Genèse (1, 21) Dieu contemple l’œuvre achevée par laquelle il nous conduit à goûter l’immensité de sa bonté et de sa beauté, la beauté du royaume où tous nous serons mutuellement dans l’admiration les uns des autres, au service les uns des autres comme les membres d’un même corps. Dieu contemple ici le chemin qui nous conduit de ce monde au Père, cela annonce aussi l’œuvre du Christ, image de Dieu qui accomplit sa volonté de nous conduire à sa suite vers le bonheur du ciel, au royaume de Dieu le Père dans l’action de grâce. Alors, nous aussi, nous pourront voir combien tout cela est bon, combien l’amour de Dieu nous a conduit à lui, en nous offrant sa vie, au prix de sa vie. Nous contemplerons sa bonté en chacun et nous serons comblés de joie.

Jésus exhorte les apôtres à adoucir les eaux salées de la mer par leur présence, ils seront comme des poissons, comme Jésus lui-même. Ils seront bergers comme Jésus et ils conduiront vers les eaux qui donnent le repos, qui apaisent. Voici l’ancienne prière du psaume 22 :

« Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien. Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer. Il me mène vers les eaux reposantes et me fait revivre ; il me conduit par le juste chemin pour l’honneur de son nom. Si je traverse les ravins de la mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : ton bâton me guide et me rassure. Tu prépares la table pour moi devant mes ennemis ; tu répands le parfum sur ma tête, ma coupe est débordante. Grâce et bonheur m’accompagnent tous les jours de ma vie ; j’habiterai la maison du Seigneur pour la durée de mes jours. »

Ainsi, Jésus, après la pêche miraculeuse, invite les apôtres à aller dans le monde, pêcher les hommes, les arracher aux ténèbres, à l’abîme obscur de l’ignorance, à leur apporter la lumière, comme lui l’a apportée au monde. Il invite Pierre et les apôtres à être aussi des bergers qui mènent vers les eaux du repos de Dieu, en Dieu.

« Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment, plus que ceux-ci ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « M’aimes-tu ? » Il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. Amen, amen, je te le dis : quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Sur ces mots, il lui dit : « Suis-moi. » (Jean 21, 15-19)

Ainsi, comme les oiseaux dans le ciel, ceux qui ont fait leur nid dans les branches de l’arbre du juste, ceux qui l’ont reconnu, ceux qui ont vu le visage de Dieu, comme Moïse, caché comme une colombe dans l’abri du rocher, montreront les réalités célestes au monde. Comme des oiseaux, comme des colombes ne chercheront pas les réalités terrestres, mais s’élèveront vers le ciel. Ainsi, ils se multiplieront et rempliront les mers et le ciel.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée en chacun des membres du corps du Christ :

Nous sommes au cinquième jour de la semaine où s’accomplit l’œuvre de Dieu que nous contemplons aussi dans la semaine sainte au cours de laquelle Jésus a offert sa vie pour nous et nous a conduit de la mort à la vie. Le cinquième jour de cette semaine sainte est celui du dernier repas des disciples avec Jésus.

Au cours de ce repas, il les invite à être un comme lui et le Père sont un, à être parfaits comme lui et le Père sont parfaits.

« Pour peu de temps encore, la lumière est parmi vous ; marchez, tant que vous avez la lumière, afin que les ténèbres ne vous arrêtent pas ; celui qui marche dans les ténèbres ne sait pas où il va. Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière : vous serez alors des fils de lumière. » (Jean 12, 35-36)

« De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17, 18-23)

Ainsi, il anticipe son œuvre du sixième jour, lorsqu’il réalisera cette union, cette communion entre les créatures et le Père, sur la croix et il nous conduira vers la pleine lumière. Au sixième jour, il accomplira l’étape finale, par sa mort il nous conduira à la résurrection du septième jour, là où il n’y aura plus de ténèbres, plus de coucher de soleil.

Par la résurrection de Lazare, Jean 11 (voir ce récit au 4ème jour), Jésus conduit la foi à sa perfection, à l’espérance de la résurrection, de la victoire de la vie sur la mort, de l’amour sur le mal. Ainsi les croyants pourront être envoyés apporter la lumière au monde, comme des poissons dans l’eau agitée de la mer, ainsi ils seront témoins de la gloire de Dieu et comme les oiseaux du ciel, ils conduiront les êtres humains à contempler les réalités célestes, la gloire de Dieu, sa victoire sur le mal, sur la mort. C’est le croyant qui passe comme Lazare de la mort à la vie, les bandelettes de la mort, le mal qui le retient captif de la mort, seront déliées par les apôtres que Jésus envoie pardonner les péchés en déliant les êtres humains de leurs fautes, de l’enchaînement des violences. « Tout ce que vous aurez lié sur la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel. » (Matthieu 18, 18). Mais, avant de pouvoir apporter au monde l’amour du Christ, il faut être en communion avec lui, unis à lui. C’est cela que Jésus réalise au cinquième jour, pendant le repas pascal : il prépare les apôtres à le recevoir, à se nourrir de lui, à être fortifiés dans la foi et dans les liens d’amour qui nous unissent les uns aux autres et à Dieu. Il conduit ainsi la foi à sa plénitude au cours du dernier repas. D’abord il les prépare à se réconcilier avec Dieu et les uns avec les autres en reconnaissant les uns devant les autres qu’ils ont besoin d’être purifiés par Dieu, lavés de leurs fautes quotidiennes. Cela est signifié par le geste que Jésus accomplit avant de les mettre à table : il leur lave les pieds. Cela signifie que si l’on n’est pas prêt à reconnaître qu’en tant qu’être humain je participe aussi des divisions qui sont dans ce monde, que j’ai aussi commis des fautes que mon prochain peut me reprocher. Alors, afin de pouvoir être tous assis à la même table, manger la même nourriture céleste qui nous unit les uns aux autres par l’amour de Dieu, il faut d’abord faire notre possible pour nous réconcilier les uns avec les autres, puis Dieu fera le reste. Se laisser laver les pieds par Jésus signifier reconnaitre devant les autres nos propres fautes en demander pardon. Cela est la condition nécessaire afin que la paix règne entre nous. Voici les paroles de Jésus :

« Donc, lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. » (Matthieu 5, 23-24).

« Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » (Jean 13, 8).

Ensuite, les apôtres pourront véritablement communier au repas auquel Jésus les a conviés. Un repas au cours duquel Jésus se donnera lui-même en nourriture, réalisant ainsi une communion profonde avec lui, l’union des membres dans un même corps, animés par un même souffle d’amour. Ainsi, le pain et le vin que Jésus leur donnera en disant ceci est mon corps et ceci est mon sang, seront la nourriture spirituelle dont le croyant aura besoin chaque jour afin de pouvoir être lumière du monde, conduire l’humanité vers la paix. Ce pain quotidien, cette nourriture qui vient d’en-haut et qui nous fait communier à la vie divine, nous unit à lui est celle dont Jésus parle tout au long de sa vie.

« Le pain qui descend du ciel est tel que celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. » (Jean 6, 50-51).

Jésus invite les apôtres à multiplier ce repas, à le répéter après sa mort, afin d’apporter au monde cette nourriture qui nous rassemble à une même table dans l’amour, cette communion avec Dieu qui fait de nous les membres d’un même corps. C’est après la mort et résurrection de Jésus que cette union se réalisera en sa personne, le don total de sa vie, afin que les êtres humains croient qu’ils sont les enfants bien-aimés de Dieu. Au cinquième jour, lors du repas cela n’est pas encore accompli sur terre, Jésus n’a pas encore livré sa vie, son corps, mais son amour est de toujours et il peut déjà l’offrir à ceux qu’il aime et qui l’aiment.

Ce pain descendu du ciel, cette nourriture céleste est aussi au cœur de la prière qu’il a enseigné aux apôtres : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour » (Matthieu 6, 11). Littéralement il faudrait traduire : « Le pain de nous, celui qui « est au-dessus » donne-le nous ce jour » (Τὸν ἄρτον ἡμῶν τὸν ἐπιούσιον δὸς ἡμῖν σήμερον). Or, dans le texte original grec, le mot qu’on traduit souvent par quotidien est un mot rare (ἐπιούσιον epioúsion) qui nous dit que l’être de ce pain est au-dessus : il s’agit en effet du pain qui est descendu du ciel, de Jésus lui-même, de Dieu qui s’est fait l’un de nous, afin de nous conduire à l’union avec lui. (Voir l’article Le Notre Père). Or, ce sera cette nourriture céleste qui permettra aux apôtres d’apporter le Christ au monde, d’être les témoins, le reflet, de son amour pour l’humanité. Au point qu’ils pourront dire, comme saint Paul :

« Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. » (Galates 2, 20).

Cette communion d’amour avec ses amis, Jésus la vit pleinement au cinquième jour, lors du dernier repas avec eux. Le don de sa vie et ce que cela signifie et réalise pour l’humanité, c’est-à-dire la possibilité de retrouver l’alliance avec Dieu, d’être pardonnés et réadmis en sa présence, se réalise au sixième jour, lors de la mort et crucifixion de Jésus. Par sa résurrection ensuite, il sera toujours avec nous, tous les jours de notre vie.

Jésus vient nous libérer et nous sauver, la foi en cette victoire sur le mal, la foi en la résurrection rendra possible aux disciples, aux croyants, d’apporter ce salut au monde, d’être comme les poissons dans la mer, témoins des réalités célestes comme les oiseaux qui font leur nid sur l’arbre, comme la colombe dans la fente du rocher. Cette foi leur permettra de communier au Christ dans le dernier repas qui signifiera pour la suite des siècles le sacrifice de sa vie, que le Christ accomplira au jour suivant et sa résurrection par laquelle il sera toujours avec nous. Et il fut soir et il fut matin jour cinquième.

6ème jour

כד וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים תּוֹצֵא הָאָרֶץ נֶפֶשׁ חַיָּה לְמִינָהּ בְּהֵמָה וָרֶמֶשׂ וְחַיְתוֹ-אֶרֶץ לְמִינָהּ וַיְהִי-כֵן
24 Et Elohim dit: « Que la terre fasse sortir des âmes vivantes de différentes espèces bétail et animaux qui rampent et animaux de la terre de différentes espèces et il fut ainsi.

כה וַיַּעַשׂ אֱלֹהִים אֶת-חַיַּת הָאָרֶץ לְמִינָהּ וְאֶת-הַבְּהֵמָה לְמִינָהּ וְאֵת כָּל-רֶמֶשׂ הָאֲדָמָה לְמִינֵהוּ וַיַּרְא אֱלֹהִים כִּי-טוֹב
25 Et Elohim fit les vivants de la terre de différentes espèces et le bétail de différentes espèces et tous les animaux qui rampent sur la terre de différentes espèces et il vit que (cela est) bon.

כו וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים נַעֲשֶׂה אָדָם בְּצַלְמֵנוּ כִּדְמוּתֵנוּ וְיִרְדּוּ בִדְגַת הַיָּם וּבְעוֹף הַשָּׁמַיִם וּבַבְּהֵמָה וּבְכָל-הָאָרֶץ וּבְכָל-הָרֶמֶשׂ הָרֹמֵשׂ עַל-הָאָרֶץ
26 Et Elohim dit: « Faisons un être humain (אָדָם adam) dans notre image comme notre ressemblance et ils domineront sur le poisson de la mer et l’oiseau du ciel, le bétail et sur toute la terre et sur tout rampant qui rampe sur la terre.

Faisons (נַעֲשֶׂה na‘asseh): Le sujet de ce verbe est au pluriel dans l’original. Cela a donné lieu à beaucoup de commentaires, tant juifs que chrétiens. En effet, même si le mot pour Dieu (elohim) est grammaticalement un pluriel en hébreu, il s’accorde avec un verbe au singulier dans le reste du chapitre, comme lorsqu’il est dit : “elohim créa”. L’interprétation chrétienne a toujours vu une annonce de la Trinité dans ce pluriel et aussi dans l’évocation de la Parole créatrice de Dieu et de l’Esprit qui vivifie et qui plane sur les eaux. Au verbe “faisons” au pluriel s’ajoute aussi l’adjectif possessif “notre” dans “notre image et comme notre ressemblance”. Voici le commentaire de Augustin sur image et ressemblance.

Être humain (אָדָם  adam): est ici au singulier comme c’est le cas pour oiseau ou les autres animaux dans les versets précédents. Il s’agit probablement d’un usage du singulier collectif pour indiquer l’ensemble des êtres humains. En effet, le verbe est ici accordé au pluriel : ils dirigent (יִרְדּוּ yirdū). Mais, aussi le singulier peut évoquer le Christ, qui est, comme nous dit saint Paul « l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre… Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. » (Colossiens 1, 13). C’est à son image que le reste de l’humanité est créée, c’est en lui que l’humanité peut s’adresser à Dieu et l’appeler Père.

כז וַיִּבְרָא אֱלֹהִים אֶת-הָאָדָם בְּצַלְמוֹ בְּצֶלֶם אֱלֹהִים בָּרָא אֹתוֹ זָכָר וּנְקֵבָה בָּרָא אֹתָם
27 Et Elohim créa l’être humain (אָדָם adam) dans son image dans l’image de Elohim il le créa mâle et femelle il les créa.

כח וַיְבָרֶךְ אֹתָם אֱלֹהִים וַיֹּאמֶר לָהֶם אֱלֹהִים פְּרוּ וּרְבוּ וּמִלְאוּ אֶת-הָאָרֶץ וְכִבְשֻׁהָ וּרְדוּ בִּדְגַת הַיָּם וּבְעוֹף הַשָּׁמַיִם וּבְכָל-חַיָּה הָרֹמֶשֶׂת עַל-הָאָרֶץ
28 Et Elohim les bénit et il leur dit: « Portez du fruit, multipliez-vous et remplissez la terre, marchez sur elle (mettez-la sous vos pieds) et dirigez (montrez la direction au) le poisson de la mer et à l’oiseau des cieux et à tout vivant qui rampe sur la terre.

כט וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים הִנֵּה נָתַתִּי לָכֶם אֶת-כָּל-עֵשֶׂב זֹרֵעַ זֶרַע אֲשֶׁר עַל-פְּנֵי כָל-הָאָרֶץ וְאֶת-כָּל-הָעֵץ אֲשֶׁר-בּוֹ פְרִי-עֵץ זֹרֵעַ זָרַע לָכֶם יִהְיֶה לְאָכְלָה
29 Et Elohim dit: ” Voici, je leur ai donné toute herbe semant semence sur la surface de toute la terre et tout arbre dans lequel est fruit d’arbre semant semence pour eux sera pour nourriture.

ל וּלְכָל-חַיַּת הָאָרֶץ וּלְכָל-עוֹף הַשָּׁמַיִם וּלְכֹל רוֹמֵשׂ עַל-הָאָרֶץ אֲשֶׁר-בּוֹ נֶפֶשׁ חַיָּה אֶת-כָּל-יֶרֶק עֵשֶׂב לְאָכְלָה וַיְהִי-כֵן
30 et pour tout vivant de la terre et pour tout oiseau des cieux et pour tout rampant sur la terre dans lequel est une âme vivante tout herbe verte pour nourriture et il fut ainsi.

לא וַיַּרְא אֱלֹהִים אֶת-כָּל-אֲשֶׁר עָשָׂה וְהִנֵּה-טוֹב מְאֹד וַיְהִי-עֶרֶב וַיְהִי-בֹקֶר יוֹם הַשִּׁשִּׁי
Et Elohim vit tout ce qu’il avait fait et voici (cela est) très bon et il fut soir et il fut matin jour sixième.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans la nature :

Voici qu’avec le sixième jour s’achève l’œuvre de la création et cet accomplissement est marqué par un changement de l’expression divine à la fin de chaque jour-étape. En effet, à la fin de chaque jour était dit jusqu’ici littéralement : « Et vit Elohim que-bon » (vayyar Elohim kiy-ṭov וַיַּרְא אֱלֹהִים כִּי-טוֹב). La particule « -kiy » est généralement traduite par « que », mais son sens originel était plutôt « ainsi » ou « pourquoi ». C’est-à-dire qu’on veut plutôt expliquer « à cause de quoi », « pourquoi », cela est bon : puisque chaque âme vivante qui est créée peut-être conduite des ténèbres à la lumière. Maintenant, à la fin du sixième jour, cela est enfin réalisé et il est dit : Et Elohim vit tout ce qu’il avait fait et voici (cela est) très bon. La particule « -kiy » a disparu et le qualificatif « très » est apparu. En effet, tout ce qui est dans les ténèbres aux premiers jours peut finalement aboutir à la pleine lumière, être finalement conduit au repos du septième jour, là où il n’y aura plus de coucher de soleil, plus d’obscurité car la création pourra finalement accéder au repos en Dieu, à la vision de Dieu.

Revenons au début du récit : cette suite d’étapes ne décrit pas une succession temporelle, on met en évidence un ordre dans le plan de Dieu qui crée tout simultanément, qui est toujours à l’œuvre donnant vie au monde continuellement et conduisant continuellement chacune de ses créatures au bien, à la joie parfaite. Donc, ce récit nous montre dans une suite logique toute l’œuvre de Dieu afin que son plan de faire participer chaque créature de sa lumière soit accompli en chacun et chacune au cours de l’histoire. Ainsi, de même que d’abord la lumière est créée, les créatures spirituelles, les anges, sont créés, mais aussi la lumière de Dieu celle qui est auprès de lui se fait chair et vient illuminer les ténèbres dans lesquelles se trouvent les êtres humains qui nécessitent son secours. En même temps, c’est-à-dire hors du temps, dans le plan divin, dans la vision divine, sa parole se fait chair et Jésus vient offrir sa vie à l’humanité au cours de la Semaine Sainte. Ainsi, l’humanité pourra voir la gloire de Dieu (jour 1), accéder à la source de la vie (jour 2), être comme une terre fécondée par cette source et porter du fruit (jour 3), être comme des luminaires dans le ciel, reflétant la lumière de Dieu dans l’obscurité (jour 4), être conduite des eaux agitées et salée de la mer de ce monde à l’expérience des réalités célestes (jour 5), tout cela se réalisera pleinement lorsque l’humanité sera parfaitement unie à Dieu, accédant par Jésus-Christ à la relation filiale avec Dieu, à l’union avec lui (jour 6).

Dieu est amour et l’image de cette amour sur la terre se trouve dans la relation d’amour entre l’homme est la femme, dans la fidélité, dans le désir d’offrir sa vie à d’autres créatures, dans le don d’amour pleinement libre et volontaire, dans le choix d’aimer. Ces caractéristiques de l’amour dans le couple, dans la famille et les enfants sont en effet les caractéristiques de l’amour divin, du geste créateur de Dieu, qui veut donner sa vie, partager sa joie, avec d’autre créatures dans un amour qui n’aura jamais de cesse. Cet amour divin nous le voyons à l’œuvre en Jésus dans la Semaine Sainte il choisit d’offrir librement sa vie à l’humanité afin qu’elle ait la vie en plénitude. Il accomplit ainsi une alliance avec l’humanité, à l’image d’un mariage, avec les mêmes liens d’amour qui unissent un couple, une famille pour toujours, multipliant la joie du don de sa vie pour ceux qu’on aime.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée et accomplie dans la personne de Jésus et dans l’Église, constituée par les membres du corps du Christ :

Voyons, donc, comment le plan de Dieu s’accomplit en Jésus-Christ, comment il conduit toute la création à sa perfection, comment dans la Semaine Sainte s’accomplit l’œuvre du salut.

En effet, saint Paul nous explique que c’est lui, Jésus, le premier-né avant toute créature.

« Il est l’image du Dieu invisible, le premier-né, avant toute créature : en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre…
Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui. Il est aussi la tête du corps, la tête de l’Église : c’est lui le commencement (arkhē), le premier-né d’entre les morts, afin qu’il ait en tout la primauté. » (Colossiens 1, 13.18).

En effet, tout a été créé par la Parole de Dieu et cette Parole s’est faite chair en Jésus Christ, cela selon le plan éternel de Dieu de donner sa vie au monde. C’est lui le commencement de toute chose et donc les êtres humains sont faits à son image et selon sa ressemblance. Il est le commencement de toutes choses et amène tout à son accomplissement, c’est-à-dire conduit les êtres humains à la vision de Dieu. Dieu est amour et nous avons la pleine vision de l’amour de Dieu en Jésus-Christ. C’est en voyant son visage d’amour que les créatures pourront accéder à Dieu, pourront être arrachées aux ténèbres, en voyant l’immensité de son amour qui se donne à ses créatures malgré leurs fautes. Le par-don est le don renouvelé de l’amour, qui se donne encore et encore. Jésus nous invite à pardonner 70 fois 7 fois (Matthieu 18, 22), c’est-à-dire à continue de donner amour à celui qui le demande, sans regarder ses mérites.

Nous voyons donc en cette sixième étape qui nous conduit à la contemplation du Père, tous les animaux terrestres, nos vices et vertus qui sont conduits par l’être humain vers la lumière. Les fautes, les mauvaises actions pour être pardonnées et les bonnes pour rendre grâce.

C’est le sixième jour, celui de la Semaine Sainte où Jésus est crucifié et dans lequel avant de mourir il dit : « Tout est accompli » (Jean 19, 30). L’œuvre de la création est accomplie, la lumière s’est révélée aux créatures, qui étaient dans les ténèbres qui leur empêchaient de trouver le chemin. L’immensité de l’amour de Dieu, de la gloire de Dieu, se révèle sur la croix.

Or, le Christ est la tête du corps, la tête de l’Église. Cela signifie qu’il infuse, il insuffle sa vie et son amour en ses membres. C’est une union et une communion profonde, cela implique que les membres partagent la même volonté que la tête, un même amour, les uns au service des autres comme celui qui est la tête et qui leur donne sa vie.

« Moi, je suis venu pour que les brebis aient la vie, la vie en abondance. Moi, je suis le bon pasteur, le vrai berger, qui donne sa vie pour ses brebis. » (Jean 10, 10-11)
« Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient UN comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement UN, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17, 22-23)

Cette union profonde où les deux ne forment plus qu’un est aussi comparable à l’union de l’homme et de la femme dont il est question ici au sixième jour, tout comme au sixième jour de la semaine sainte où en Jésus-Christ se révèle cette union parfaite entre Dieu et l’humanité. Il est pleinement Dieu car en lui réside la plénitude de l’amour de Dieu et il est pleinement homme. Tout en étant un être humain, il peut aimer comme Dieu aime et il veut aussi nous conduire à cette perfection de l’amour. Dieu prépare ce chemin pour ses créatures, ses enfants, depuis le commencement du monde et il a envoyé des prophètes afin de nous montrer le chemin, afin que nous croyions. Mais, bien évidemment, l’amour vrai naît en nous spontanément et librement, nul ne saurait contraindre à l’amour, nul ne pourrait dicter au cœur d’aimer. C’est pour cela que lorsque Dieu envoie ses prophètes, ses porte-parole, parler au peuple, il leur dit de s’adresser au peuple comme un fiancé à sa fiancée, dans le respect de la volonté de chacun.

« On ne te dira plus : « Délaissée ! » À ton pays, nul ne dira : « Désolation ! » Toi, tu seras appelée « Ma Préférence », cette terre se nommera « L’Épousée ». Car le Seigneur t’a préférée, et cette terre deviendra « L’Épousée ». Comme un jeune homme épouse une vierge, ton Bâtisseur t’épousera. Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. » (Isaïe 62, 4-5).

Ainsi, dans la Bible la relation entre Dieu et ses créatures qui ne veulent pas croire en son amour est décrite comme la relation entre un fiancé qui propose son amour à sa bien-aimée, qui  doit la convaincre de sa sincérité, de la gratuité de son amour, de sa fidélité : il serait prêt à donner sa vie pour elle. Cette attitude est décrite tout au long du livre du Cantique des Cantiques : un dialogue entre deux fiancés, empreint de respect, du désir de se donner à l’autre, mais il faut faire confiance que cet amour soit sincère. En voici quelques passages :

« Mon bien-aimé, pareil à la gazelle, au faon de la biche. Le voici, c’est lui qui se tient derrière notre mur : il regarde aux fenêtres, guette par le treillage. Il parle, mon bien-aimé, il me dit : Lève-toi, mon amie, ma toute belle, et viens…
Ma colombe, dans les fentes du rocher, dans les retraites escarpées, que je voie ton visage, que j’entende ta voix ! Ta voix est douce, et ton visage, charmant…
Mon bien-aimé est à moi, et moi, je suis à lui qui mène paître ses brebis parmi les lis. » (Cantique des cantiques 2, 9-10.14.16)

Le fiance se tient derrière le mur, à l’entrée, il attend qu’on lui ouvre, que la fiancée soit prête. Il admire celle qui attend de reconnaître son fiancé, celui dont elle peut se fier, celui qui aura fait preuve d’amour. Le fiancé la décrit ainsi :

 « Jardin fermé, ma sœur fiancée, fontaine close, source scellée. » (Cantique des cantique 4, 12).

Il n’osera pas franchir le seuil sans être pleinement accueilli par la bien-aimée.
Et voici la quête, le désir d’union de celle qui n’a pas encore trouvé son fiancé, mais qui sera aidée à plusieurs reprises, grâce à ceux et celles qui lui témoigneront de l’avoir vu, qui sauront lui dire où le trouver, à quoi il ressemble. Ce dialogue nous présente les amoureux désireux de se rencontrer, de faire confiance l’un à l’autre et nous dit aussi leurs peines, lorsqu’ils ne se trouvent pas. Ce dialogue nous parle de la relation entre l’humanité et Dieu.

« Sur mon lit, la nuit, j’ai cherché celui que mon âme désire ; je l’ai cherché ; je ne l’ai pas trouvé. Oui, je me lèverai, je tournerai dans la ville, par les rues et les places : je chercherai celui que mon âme désire ; je l’ai cherché ; je ne l’ai pas trouvé. Ils m’ont trouvée, les gardes, eux qui tournent dans la ville : « Celui que mon âme désire, l’auriez-vous vu ? » À peine les avais-je dépassés, j’ai trouvé celui que mon âme désire : je l’ai saisi et ne le lâcherai pas que je l’aie fait entrer dans la maison de ma mère, dans la chambre de celle qui m’a conçue. » (Cantique 3, 1-4)
« Je vous en conjure, filles de Jérusalem, si vous trouvez mon bien-aimé, que lui direz-vous ? Que je suis malade d’amour. » (Cantique des cantiques 5, 8)

Finalement, les deux se trouveront, pourront se donner l’un à l’autre, se faire confiance et ne faire plus qu’un lorsque la joie de l’un sera devenue la joie de l’autre et la peine de l’un, la peine de l’autre. Ce même langage est utilisé par Jésus tout au long de l’Évangile : il parle comme le fiancé qui attend la réponse de sa fiancée, il va faire tout son possible pour lui prouver son amour, afin de n’être plus qu’un.

Voici le dernier des prophètes qui ont annoncé au peuple l’amour de Dieu pour ses créatures et essayé de le convaincre de la sincérité et de la fidélité de cet amour, voici Jean le Baptiste qui annonce Jésus qui vient vers son peuple comme l’époux qui vient à la rencontre de l’épouse, lui, Jean est l’ami de l’époux.

« Celui à qui l’épouse appartient, c’est l’époux ; quant à l’ami de l’époux, il se tient là, il entend la voix de l’époux, et il en est tout joyeux. Telle est ma joie : elle est parfaite. » (Jean 3, 29)

Et Jésus, de nombreuses fois, parle de lui-même comme de l’époux, mais il sait que cet époux devra prouver son amour, que l’humanité ne sera pas prête à lui faire confiance, elle aura besoin de voir jusqu’où cet amour peut aller, jusqu’au don de sa propre vie ?

« Jésus leur répondit : « Les invités de la noce pourraient-ils donc être en deuil pendant le temps où l’Époux est avec eux ? Mais des jours viendront où l’Époux leur sera enlevé ; alors ils jeûneront. » (Matthieu 9, 15)

« Le royaume des Cieux est comparable à un roi qui célébra les noces de son fils. » (Matthieu 22, 2)

Et Jésus au début de sa mission, lors de son premier miracle, à Cana, annonce que cela va s’accomplir, que ces noces auront lieu, au prix de son sang, seulement alors l’humanité pourra croire en l’amour de Dieu, lui faire confiance et ne faire plus qu’un avec lui.

En effet, Jésus va accomplir son premier miracle lors d’un festin de noces, à Cana, en Galilée. Les mariés n’avaient plus de vin, alors la mère de Jésus lui demande de faire quelque chose. Alors, Jésus qui jusque-là était resté avec à Nazareth parce que Marie et Joseph ne l’avaient pas encore autorisé à entreprendre le chemin qui le conduirait à la mort, s’adresse à sa mère, comme s’il s’adressait à l’humanité tout entière. En effet, il appelle sa mère « femme » et attend son consentement, comme le fiancé l’attend de la fiancée. Est-elle vraiment prête à faire confiance ? Voici le dialogue :

« Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme ? mon heure n’est pas encore venue. » (Jean 2,4)

Lorsque Jésus parle de « son heure » dans l’évangile, il faut allusion au moment où il donnera sa vie sur la croix, c’est l’heure qu’il attend :

« L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle. Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! (Jean 12, 23-27)

Et cette heure, il l’appelle aussi baptême :

« Je dois recevoir un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » (Luc 12, 50).

En effet, le mot baptême signifie plonger dans l’eau et l’eau dont il est question à Cana est une figure de notre humanité. Il n’y a plus de vin, seulement de l’eau, il manque de l’esprit à cette eau pour devenir du vin, cette eau doit recevoir l’esprit de Dieu. Est-elle prête à l’accueillir ? C’est pour cela que Jésus demande à sa mère, unique parmi toutes les créatures à avoir cette pleine confiance en Dieu : si elle est prête à ce que cette union se réalise, si elle est prête à ce que son fils offre sa vie, qu’il verse son sang pour que l’humanité soit sauvée, retrouve la confiance en Dieu et soit unie à lui comme lors d’un mariage afin que les deux ne fassent plus qu’un.
Marie, qui représente donc l’humanité, répond « oui » encore une fois, celle qui déjà avait consenti au plan de Dieu en disant oui à sa proposition de concevoir le sauveur de l’humanité, alors qu’elle était vierge. Le miracle donc s’accomplit et cinq jarres d’eau, qui représentent l’humanité, ses cinq sens avec les cinq livres de la loi de Moïse, vont être transformées en vin, le meilleur des vins pour la joie des fiancés et des invités. C’est l’eau de l’humanité qui reçoit l’esprit de Dieu, qui la transforme en vin rouge comme le sang, le sang en qui se trouve la vie. Ce sang qui coulera un jour du côté ouvert de Jésus avec de l’eau sera le signe du baptême, ce baptême que Jésus attend et qu’il annonce ici, par ce miracle. Ce baptême qui manifeste la volonté de Jésus de plonger dans notre humanité, se faisant tellement l’un de nous, jusqu’à courir tous les risques que cela comporte : être confondu avec les criminels, être condamné à mort. Mais, comme dans le baptême, celui qui plonge dans l’eau pour signifier sa mort, resurgit victorieux de l’eau signifiant la victoire sur la mort, sur le mal, par sa résurrection.

Donc, ce qui est annoncé et expliqué ici à Cana, va s’accomplir, le jour où Jésus va être crucifié. Alors il signifiera à sa mère que cette union entre lui et l’humanité s’est enfin réalisée : il a donné sa vie pour elle et maintenant l’humanité peut accueillir cette vie et porter du fruit, être transformée à son image et ressemblance, pour ne former plus qu’un avec lui, pour ne former plus qu’une seule famille de frères et sœurs qui reçoivent la vie d’une seule source d’amour, en Dieu.

Voici le dialogue de Jésus avec sa mère lorsqu’il est sur la croix, il l’appelle encore une fois « femme » et cette femme, comme la femme dont il est question au deuxième chapitre de la Genèse, deviendra la mère de tous les vivants, c’est-à-dire de tous ceux qui vivent de l’esprit de Dieu, qui reçoivent leur vie de lui dans l’action de grâce et la pleine confiance et qui ne forment maintenant qu’une seule famille.

« Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de cette heure-là, le disciple la prit chez lui. Après cela, sachant que tout, désormais, était achevé pour que l’Écriture s’accomplisse jusqu’au bout, Jésus dit : « J’ai soif. » Il y avait là un récipient plein d’une boisson vinaigrée. On fixa donc une éponge remplie de ce vinaigre à une branche d’hysope, et on l’approcha de sa bouche. Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « Tout est accompli. » Puis, inclinant la tête, il remit l’esprit. » (Jean 19, 26-30)

Lorsque Jésus prit cette gorgé amère de vinaigre, lorsque Jésus accueille en lui cette humanité qui a dénaturé l’image du Père par les rivalités, les haines et les violences, alors il pourra dire que l’œuvre de la création est accomplie. Maintenant cette humanité pourra accueillir la vie divine dans l’action de grâce, passer véritablement de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière et ne faire plus qu’un avec lui. Finalement, Dieu a conduit l’humanité créée à son image, c’est-à-dire avec toute la capacité et potentialité d’aimer comme lui il nous aime, jusqu’au plus grand amour, jusqu’à la pleine ressemblance. Voici, l’œuvre de Dieu accomplie : lorsqu’il a conduit l’humanité à la pleine ressemblance avec lui, réalisant une union telle, qu’elle est comparable à celle d’un couple, où les deux ne sont plus qu’un.

« Au commencement de la création, Dieu les fit homme et femme. À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair. Ainsi, ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Donc, ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ! » (Marc 10, 6-9).

Voici l’œuvre de Dieu accomplie lorsque cette union entre Dieu et l’humanité est réalisée : c’est de cette œuvre, celle qui conduit à l’union avec Dieu dont Jésus parle lorsqu’il dit :

« Mon Père jusqu’à maintenant est à l’œuvre et moi aussi je suis à l’œuvre » (Jean 5, 17).

Le Père, par son Fils, qui est son image parfaitement ressemblante, qui accomplit parfaitement sa volonté dans la pleine confiance que cela sera le chemin vers le plus grand amour, ne cesse de conduire les êtres humains, ses enfants, patiemment, comme un pédagogue, à travers les étapes qui les conduiront à la contemplation de la pleine lumière, de la joie parfaite d’aimer et de donner sa vie pour ceux qu’on aime.

« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17, 21-23)

Voici accomplie l’œuvre de Dieu au sixième jour, au sixième jour de la Semaine Sainte, où Jésus, le vendredi saint, offre sa vie sur la croix et crée ce couple, animé par un même Esprit, cet homme et cette femme à l’image pleinement ressemblante à celle de l’amour de Dieu. Alors, le monde entier pourra croire, une fois qu’il aura vu cet amour à l’œuvre en des milliers d’hommes et de femmes qui donneront leur vie par amour, comme le Christ, ayant accueilli la vie comme un don de Dieu, dans le respect et la confiance. Il est difficile de croire en cet amour gratuit de Dieu, pourtant cette union avec lui est possible et nous la contemplons en tout ceux qui nous aurons transmis cet amour, qui auront été pour nous un reflet de l’amour divin, gratuit, surabondant, bienveillant.

Voyons donc maintenant cette dernière étape qui permettra à chaque être humain d’accueillir cet esprit et de ne faire plus qu’un avec Dieu.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée en chacun des membres du corps du Christ :

Dans ce sixième jour, l’être humain est appelé à conduire les poissons que nous sommes vers les eaux douces et tranquilles, vers la source de la vraie vie de l’amour. Et aussi, il est appelé à conduire les oiseaux vers le ciel et non vers les réalités terrestres et corruptible. De même qu’il doit s’instruire par l’exemple des bêtes de la terre, qui seront autant d’images de nos vices et vertus qui doivent être domptés ou imités. Mais tout cela ne sera pas possible si l’être humain n’aura pas d’abord répondu à l’invitation de Dieu de ne faire plus qu’un avec lui, de se laisser conduire vers cet amour parfait par celui qui nous l’offre. Nous ne pourrons aimer véritablement que lorsque nous aurons reconnu cet amour en toutes ses caractéristiques, lorsque nous saurons comment l’amour du créateur, à la différence du notre, est capable d’aimer chacune de ses créatures et de donner sa vie pour la multitude, pour ceux qui l’offensent ou le méprisent. C’est ainsi qu’il nous invite à le suivre pour voir le visage d’amour de Dieu : voir le visage aimant de Dieu signifie devenir semblables à lui, en voyant comme il aime chacune de ses créatures.  Voici comment Jésus répond à ceux qui veulent voir le Père :

« Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit. » Jésus lui répond : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : “Montre-nous le Père” ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; le Père qui demeure en moi fait ses propres œuvres. Croyez-moi : je suis dans le Père, et le Père est en moi ; si vous ne me croyez pas, croyez du moins à cause des œuvres elles-mêmes. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi fera les œuvres que je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que je pars vers le Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. (Jean 14, 8-13).

Voilà ce que Jésus propose afin de nous conduire au Père, il le propose comme un fiancé qui ne peut pas obliger sa fiancée à l’accepter, à lui faire confiance sur la parole, car elle veut d’abord avoir la preuve de la véridicité de son amour. Le jour où Jésus aura fait preuve de cet amour inconditionnel de Dieu pour ses enfants, alors l’humanité sera prête à croire, mais cette foi, cette confiance, ne pourra être forcée. Voici donc l’image du fiancé qui comme le fiancé du Cantique des cantique se tient à la porte, sans la forcer :

« Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi. » (Apocalypse 3, 20)

Voici, donc que pour l’humanité qui est prête à faire confiance, comme une fiancée à son fiancé, l’union sera possible, une communion telle que l’esprit d’amour de Dieu pourra habiter pleinement le cœur de ses enfants. Les noces seront ainsi accomplies, mais au prix de la vie de Jésus. Celui-ci sera comme un agneau qui est conduit à l’abattoir, sans protester, innocent, il nous révèlera le visage d’amour de Dieu prêt à donner, à sacrifier, sa vie pour prouver l’authenticité de son amour. Alors, l’être humain, pourra être pleinement illuminé par cette lumière divine, voir Dieu tel qu’il est et devenir semblable à lui. La Bible appelle l’accomplissement de l’œuvre divine, les noces de l’agneau : Jésus est l’agneau de Dieu et nous sommes les invités au repas de noces au cours duquel nous communions à la vie de Dieu, nous sommes unis à lui. Voyons ce que saint Jean nous révèle à travers la vision qu’il a eu de la victoire de l’amour divin, la victoire de l’agneau, sur le mal et la mort :

« Soyons dans la joie, exultons, et rendons gloire à Dieu ! Car elles sont venues, les Noces de l’Agneau, et pour lui son épouse a revêtu sa parure. Un vêtement de lin fin lui a été donné, splendide et pur. » Car le lin, ce sont les actions justes des saints. Puis l’ange me dit : « Écris : Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! » Il ajouta : « Ce sont les paroles véritables de Dieu. » (Apocalypse 19, 7-9)

Comment parvenir à une telle union avec le Christ ? Il faut un total abandon, une totale confiance, en effet, être totalement au service des autres, implique d’aller jusqu’au bout de l’amour même si cela comporte des épreuves ou le sacrifice de sa propre vie.

« Je vous ai parlé ainsi, afin qu’en moi vous ayez la paix. Dans le monde, vous avez à souffrir, mais courage ! Moi, je suis vainqueur du monde. » (Jean 16, 33).

Nombreux seront les témoignages de ses disciples confrontés à la persécution et pourtant faisant l’expérience d’un amour plus fort que la mort, un amour que la haine et la vengeance envers les persécuteurs ne sauraient vaincre. Une fois que l’amour de Dieu demeure en nous et que nous restons attachés à lui, que notre cœur ne cède pas à la vengeance, son amour rayonne en nous, porte du fruit, se multiplie. Tout comme il est promis et annoncé dans le verset de la Genèse : « « Portez du fruit, multipliez-vous et remplissez la terre » (Genèse 1, 28). Le couple est créé, l’union avec Dieu est réalisée alors nous pourrons contempler l’amour de Dieu sur la terre à travers tant d’hommes et de femmes qui seront comme des étoiles dans les moments ténébreux où les hommes se divisent, s’affrontent. Les exemples d’amour gratuit porteront du fruit dans les cœurs des êtres humains, tout comme ceux qui auront contemplé l’amour de Jésus sur la croix, ses persécuteurs mêmes, seront peut-être prêts à ouvrir la porte de leur cœur à celui qui frappe, qui invite au pardon, à la réconciliation, à la confiance.

Voici le témoignage de l’apôtre Paul, emprisonné, persécuté, qui a conduit à l’amour nombre de ceux qui étaient en prison avec lui, géôliers compris.

« Alors, qui pourra condamner ? Le Christ Jésus est mort ; bien plus, il est ressuscité, il est à la droite de Dieu, il intercède pour nous : alors, qui pourra nous séparer de l’amour du Christ ? la détresse ? l’angoisse ? la persécution ? la faim ? le dénuement ? le danger ? le glaive ? En effet, il est écrit : C’est pour toi qu’on nous massacre sans arrêt, qu’on nous traite en brebis d’abattoir. Mais, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés. J’en ai la certitude : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les Principautés célestes, ni le présent ni l’avenir, ni les Puissances, ni les hauteurs, ni les abîmes, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus notre Seigneur. » (Romains 8, 34-39)

Nous pouvons aussi lire la totalité du chapitre 8 de la lettre de saint Paul aux Romain qui résume toutes les étapes de l’amour à travers lesquelles Dieu a conduit ses enfants à lui, dans la confiance et les a fortifiés et rendus pleinement semblables à lui dans l’amour, afin qu’il goûtent une paix que personne ne pourra leur enlever.

« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. Alors, tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera. Voici ce que je vous commande : c’est de vous aimer les uns les autres. Si le monde a de la haine contre vous, sachez qu’il en a eu d’abord contre moi. …
Quand viendra le Défenseur, que je vous enverrai d’auprès du Père, lui, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoignage en ma faveur. Et vous aussi, vous allez rendre témoignage, car vous êtes avec moi depuis le commencement. » (Jean 15, 15-18.26-27)

Ainsi, Jésus promet un défenseur, l’Esprit Saint de Dieu qui habite en ceux qui l’auront accueilli en retrouvant la confiance des enfants envers leur parents, Jésus promet une paix d’un autre ordre la paix d’être aimés de Dieu et d’aimer comme lui il aime :

« Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne. » (Jean 14, 27).

Voici encore les paroles de saint Paul qui nous parle de cette paix qu’il souhaite apporter à tous les hommes, cette paix qu’il a reçu du Christ et qui lui permet d’être un reflet de son amour même pour ses ennemis, ses persécuteurs.

« Que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié, faisant la paix par le sang de sa Croix, la paix pour tous les êtres sur la terre et dans le ciel. Et vous, vous étiez jadis étrangers à Dieu, et même ses ennemis, par vos pensées et vos actes mauvais. Mais maintenant, Dieu vous a réconciliés avec lui, dans le corps du Christ, son corps de chair, par sa mort, afin de vous introduire en sa présence, saints, immaculés, irréprochables. Cela se réalise si vous restez solidement fondés dans la foi, sans vous détourner de l’espérance que vous avez reçue en écoutant l’Évangile proclamé à toute créature sous le ciel. De cet Évangile, moi, Paul, je suis devenu ministre. Maintenant je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est l’Église. De cette Église, je suis devenu ministre, et la mission que Dieu m’a confiée, c’est de mener à bien pour vous l’annonce de sa parole, le mystère qui était caché depuis toujours à toutes les générations, mais qui maintenant a été manifesté à ceux qu’il a sanctifiés. Car Dieu a bien voulu leur faire connaître en quoi consiste la gloire sans prix de ce mystère parmi toutes les nations : le Christ est parmi vous, lui, l’espérance de la gloire ! Ce Christ, nous l’annonçons : nous avertissons tout homme, nous instruisons chacun en toute sagesse, afin de l’amener à sa perfection dans le Christ. C’est pour cela que je m’épuise à combattre, avec la force du Christ dont la puissance agit en moi. » (Colossiens 1, 20-29).

Lorsque cette paix se réalise et que les êtres humains ne font plus qu’un, lorsque la réconciliation permet l’union, alors nous pouvons participer pleinement aux noces, alors l’humanité vit son union à Dieu, participe de son bonheur et réciproquement, comme dans l’union de l’époux et de l’épouse.

« À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux ne feront plus qu’un. Ce mystère est grand : je le dis en référence au Christ et à l’Église. » (Éphésiens 5, 31-32)

Et au dernier chapitre du livre de l’Apocalypse où saint Jean raconte la vision qu’il a eue de la victoire de l’agneau, de la victoire de l’amour sur la mort, Jésus dit :

« Moi, Jésus, j’ai envoyé mon ange vous apporter ce témoignage au sujet des Églises. Moi, je suis le rejeton, le descendant de David, l’étoile resplendissante du matin. » L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ! » Celui qui entend, qu’il dise : « Viens ! » Celui qui a soif, qu’il vienne. Celui qui le désire, qu’il reçoive l’eau de la vie, gratuitement. » (Apocalypse 22, 16-17)

Cela nous introduit, donc, au repos de Dieu en sa création et de la création en lui, l’époux et l’épouse se rejoignent, l’œuvre est accomplie.
Voici donc ce que nous présente le 7ème jour, l’étape finale, éternelle, où la lumière règne pour toujours et les ténèbres ne sont plus.

 

7ème jour

Genèse 2, 1-3

וַיְכֻלּ֛וּ הַשָּׁמַ֥יִם וְהָאָ֖רֶץ וְכָל־צְבָאָֽם׃
1 Et les cieux et la terre furent complétés et toute leur armée.

וַיְכַ֤ל אֱלֹהִים֙ בַּיֹּ֣ום הַשְּׁבִיעִ֔י מְלַאכְתֹּ֖ו אֲשֶׁ֣ר עָשָׂ֑ה וַיִּשְׁבֹּת֙ בַּיֹּ֣ום הַשְּׁבִיעִ֔י מִכָּל־מְלַאכְתֹּ֖ו אֲשֶׁ֥ר עָשָֽׂה׃
2 Et Elohim compléta, le septième jour, l’oeuvre qu’il avait fait et arrêta, le septième jour, toute l’oeuvre qu’il avait faite.

וַיְבָ֤רֶךְ אֱלֹהִים֙ אֶת־יֹ֣ום הַשְּׁבִיעִ֔י וַיְקַדֵּ֖שׁ אֹתֹ֑ו כִּ֣י בֹ֤ו שָׁבַת֙ מִכָּל־מְלַאכְתֹּ֔ו אֲשֶׁר־בָּרָ֥א אֱלֹהִ֖ים לַעֲשֹֽׂות׃
3 Et Elohim bénit le septième jour et le sanctifia puisque en ce jour il arrêta toute œuvre que Elohim créa à faire.

Au sujet du septième jour, voir aussi les articles Shabbat, le repos de Dieu et Le Royaume des cieux.

Avant d’entrer dans les trois sens de l’Ecriture, voyons d’abord quelques mots et expressions essentiels à la compréhension de ces versets :

  1. Son œuvre qu’il a faite (mala’khto asher ‘asah מְלַאכְתֹּ֖ו אֲשֶׁ֣ר עָשָׂ֑ה)
    2. Il bénit (yevarekh יְבָ֤רֶךְ)
    3. Il sanctifia (yeqaddesh יְקַדֵּ֖שׁ)
    4. Ce qu’il avait créé à faire (asher-bara’ elohiym la‘assot אֲשֶׁר־בָּרָ֥א אֱלֹהִ֖ים לַעֲשֹֽׂות)
    5. Il arrêta (shavat שָׁבַת).

Voyons donc en profondeur les significations possibles de chacun de ces mots :

  1. Son œuvre qu’il a faite (mala’khto asher ‘asah מְלַאכְתֹּ֖ו אֲשֶׁ֣ר עָשָׂ֑ה). Ici on parle de l’œuvre que Dieu a faite. Le mot mala’khah (ici à la forme construite avec le pronom de 3ème personne masculin pour dire « son » œuvre mala’khto) indique une tâche à accomplir et le verbe qui l’introduit est le verbe ‘asah (עָשָׂ֑ה) faire. Il ne s’agit donc pas de créer (bara’), mais de faire (‘asah). Dieu a créé et maintient dans l’existence la création. Par contre, l’œuvre qu’il a accomplie est celle qui consiste à conduire l’humanité des ténèbres à la lumière. Cette œuvre, où le Père est toujours à l’œuvre en chacun de nous, en chaque être humain, Jésus la manifeste dans sa vie. Par sa mort et résurrection, il nous montre comment Dieu a réalisé sa victoire sur les ténèbres, comment il a conduit l’humanité à contempler sa lumière. Cette œuvre (mala’khah) a été accomplie, achevée, Dieu nous fait entrer dans son repos.
  2. Le deuxième mot : Il bénit (yevarekh יְבָ֤רֶךְ). Là où dans la bible il est dit que Dieu béni, ce qui est béni se multiplie, c’est-à-dire devient image de l’amour de Dieu. Dieu ne peut pas garder son amour pour soi, il désire le répandre sur ses créatures, à n’importe quel prix. Voici comment saint Paul nous en parle :

« Ayez en vous les dispositions qui sont dans le Christ Jésus : Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père. (Philippiens 2, 5-11).

Alors, tout comme Jésus a porté du fruit en offrant sa vie et révélant ainsi l’amour de Dieu, de même chacun reflétant l’amour de Dieu pour ses enfants et son prochain en ce monde portera du fruit, au centuple. Cela Jésus nous le montre non seulement par des paraboles, mais aussi par des signes : il multipliera les pains et les poissons pour nourrir les foules, donnant ainsi un signe de la vraie vie qui provient de Dieu comme notre pain quotidien. Aussi ceux qui sont devenus croyants offrent leur vie comme des poissons dans les eaux de ce monde. De même dans l’ancien testament se répète souvent l’image de Dieu qui bénit les troupeaux et les brebis se multiplient. En effet, le geste d’amour gratuit ne restera pas sans effet en ce monde, grâce à cet amour ceux qui l’auront reçu, accueilli, découvriront à leur tour le bonheur d’être aimés, seront reconnaissants et leur cœur se remplira d’amour. Ce qui est béni est rempli de la présence de Dieu et répand sa lumière, se multiplie, porte du fruit. Tel est le Royaume des cieux qui accueille tous ceux qui l’auront reçu, tous ceux qui l’auront revêtu à leur tour, comme les invités à la noce, qui portent l’habit de noce, resplendissent de la lumière de Dieu.

  1. Il sanctifia (yeqaddesh יְקַדֵּ֖שׁ). Dans ce troisième mot est exprimée l’œuvre de Dieu accomplie en chacun : il a rendu saint, c’est-à-dire il a rempli de sa présence. Cela est achevé, le nom de Dieu est sanctifié parce que son œuvre se reflète en ses créatures. Lorsque Jésus nous invite, dans le Notre Père, à demander de sanctifier le nom de Dieu, cela signifie qu’il nous invite à demander d’être remplis de la présence et de l’amour de Dieu afin que les autres découvrent la joie d’aimer, grâce à l’amour qu’ils auront reçu de leur prochain, afin qu’ils rendent grâce à Dieu, chantent sa gloire, et redisent ce qu’il a fait pour nous.

« Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. » (Jean 17, 22)

Ainsi, le nom de Dieu est sanctifié, tous reflétant sa gloire, l’immensité de son amour. Ainsi, Dieu achève son œuvre en nous.

  1. Ce qu’il avait créé à faire (asher-bara’ elohiym la‘assot אֲשֶׁר־בָּרָ֥א אֱלֹהִ֖ים לַעֲשֹֽׂות). Voici les deux verbes qui nous parlent de Dieu : d’abord il a créé bara’ et ensuite il y a ce qu’il va faire la‘assot. Il a créé (bara’ בָּרָא) , cela indique une action accomplie, l’action de Dieu de faire exister ce qui n’existerait pas sans lui. Cette action ne s’arrête pas au moment où la créature vient à l’être, mais cette action se poursuit éternellement car la créature reçoit continuellement sa vie de Dieu. Aussi, ceux qui contempleront Dieu éternellement seront pleinement animés, vivifiés par la vie de Dieu. Mais, cela n’est pas ce qui est désigné par le mot « faire », la‘assot. Ce mot provient de la racine ‘asah, faire, et désigne, au contraire, l’œuvre que Dieu accomplit en ce monde pour le conduire à la pleine lumière, son œuvre de salut, par laquelle il nous sauve en nous arrachant aux ténèbres. Rappelons-nous que le nom de Jésus signifie Dieu sauve.

La forme infinitive du verbe ‘asah utilisé ici est la‘assot ce qu’on peut traduit par faire, à faire, pour faire. En effet, Dieu a créé, a donné la vie à ses créatures, mais cet ouvrage implique encore son œuvre de les conduire des ténèbres à la pleine lumière, c’est pour cela qu’il les a créées, pour qu’elles participent de la pleine lumière, afin que les créatures puissent accueillir pleinement la vie, l’amour, de Dieu.

C’est pour cela que Jésus rappelle que Dieu par sa Parole continue toujours de conduire ses enfants vers la lumière, il ne les abandonne pas aux ténèbres :

« Mon Père jusqu’à maintenant est à l’œuvre et moi aussi je suis à l’œuvre » (Jean 5, 17).

Dieu a créé et continue son œuvre jusqu’au jour où ses enfants reposeront pleinement en lui, voici le septième jour, où le soleil ne se couchera pas, où la lumière aura dissipé les ténèbres, où Dieu aura accompli son œuvre, ce qui était « à faire ». Cela est aussi comparé dans la Bible à l’œuvre des parents qui conduisent le petit enfant qui ne sait pas encore parler, ni marcher, jusqu’à l’âge adulte. Nous aussi nous sommes des petits enfants lorsque nous naissons par la foi et le baptême à la vie nouvelle d’enfants de Dieu et nous nous laissons conduire par Dieu vers sa lumière.

Ainsi, en créant il nous donne la vie, il nous conduit du néant à l’être et nous maintient dans l’être pour la vie éternelle, une fois que son œuvre est accomplie. Cette œuvre est désignée par le verbe ‘asah, faire. Donc, ce verset nous dit que Dieu créa, mais que lorsque tout est accompli, pour les conduire à la contemplation de la pleine lumière, son œuvre s’arrête.

  1. Voici la signification du mot shabbat, arrêter. Comment donc cet arrêt devient-il un repos. Lorsque pour chacun de nous cette vie terrestre s’arrête et que nous remettons notre vie dans les mains de Dieu, dans la pleine confiance, son œuvre de salut est accomplie, il n’a plus à nous conduire des ténèbres à la lumière. Alors, entrés dans la confiance des enfants de Dieu, nous pouvons reposer dans le sein du Père et lui en nous de son œuvre de salut. Pour cela il est dit qu’il a arrêté l’œuvre de ce qu’il a créé « à faire », ou « pour faire », c’est-à-dire nécessitant d’être conduit à sa perfection, à son comble, à la pleine lumière. Il nous donne sa vie et nous rend capables de l’accueillir dans sa plénitude. Il façonne le réceptacle de son esprit, que nous sommes, comme un vase d’argile, il insuffle en nous son esprit : à nous de dilater nos poumons pour l’accueillir pleinement, de nous laisser combler par Dieu.

« Car Dieu qui a dit : Du milieu des ténèbres brillera la lumière, a lui-même brillé dans nos cœurs pour faire resplendir la connaissance de sa gloire qui rayonne sur le visage du Christ. Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. » (2 Corinthiens 4, 6-7).

  1. L’œuvre de Dieu manifestée dans la nature :

En ce 7ème jour, la lumière resplendit éternellement, il n’y aura pas de coucher de soleil. Voici, ce que les images de la nature nous manifestent, une lumière qui brille à jamais.

Voyons donc comment cette lumière éternelle nous parle de l’infini de Dieu et de notre propre contemplation de sa gloire.

Les paroles de Dieu à Moïse, lorsqu’il prescrit de respecter le shabbat, font une distinction entre la tâche mala’khah, qui est l’œuvre divine de conduire les hommes à la lumière, à laquelle nous pouvons nous associer, mus par le même amour et le travail d’esclave (‘abd), c’est-à-dire ce qui nous rend esclaves. Ce qui nous rend esclaves c’est le mal, l’enchaînement des violences. Le jour du shabbat on fera mémoire du repos de Dieu parce il a accompli son œuvre de salut et nous nous laisserons servir par lui, pardonner, nous réconcilier et bien évidemment, en ce jour-là nous nous abstiendront de commettre le mal, aucune injustice envers notre prochain, comme cela était annoncé, explicité lorsque Jésus proclamait l’année sabbatique qu’il est venu apporter sur terre.

Le jour du shabbat l’homme ne fera pas de mala’khah et ne fera pas œuvre d’esclave (‘avodah עֲבֹדָה).

« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras ( ta‘vod תַּֽעֲבֹד) et tu feras tout ton ouvrage (mala’khtekha מְלַאכְתֶּךָ); mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. » (Exode 20, 8-11)

Voici donc qu’il est interdit à l’homme de faire un travail d’esclave, le verbe ‘abad indique le travail de serviteur (‘abd) et le mot mala’khah plutôt l’œuvre, la tâche à accomplir.

Le jour du shabbat célèbre sur terre la réalité divine de l’accomplissement de l’œuvre divine : il a conduit la création à la contemplation de sa lumière. En jour donc l’humanité est invitée à essayer de vivre, même pour un court instant, cette paix, où non seulement l’homme ne travaille pas, mais s’abstient de toute œuvre d’esclave, c’est-à-dire s’abstient de faire ce qui est mal car c’est le mal qui nous rend esclaves. Le repos de ce jour est donc le moment où se vit une communion entre les êtres humains réunis par l’amour de Dieu à la même table, dans le partage, dans les liens fraternels. Anticipation de la joie définitive du ciel.

Or, au premier verset de ce deuxième chapitre de la Genèse, il est dit : « Et les cieux et la terre furent complétés et toute leur armée. » Que faut-il comprendre par le mot « armée » ? les cieux et la terre ont une armée ? Il s’agit selon l’interprétation traditionnelle des Pères de l’Eglise de l’armée célestes des anges qui accomplit la mission divine d’aider les êtres humains dans leur marche vers Dieu, ils sont les messagers, les envoyés de Dieu. Le mot ange se dit en hébreu mal’ak, un mot assez proche de mala’khah. En effet, les anges aussi participent volontairement et non pas en tant qu’esclaves de l’œuvre divine de conduire l’humanité vers le salut, vers la paix et la lumière. Mais, sur la terre aussi, les êtres humains qui sont devenus comme des étoiles, par l’exemple d’amour du prochain et de foi qu’ils auront pu offrir au monde, accomplissent librement cette tâche, cette œuvre divine d’aider l’humanité à cheminer vers lui. Il ne s’agit pas d’un travail d’esclave, il s’agit d’être associés à la volonté de Dieu de sauver l’humanité. C’est en accueillant son esprit, le don de la vie de Dieu, que l’être humain partage sa volonté et désire, lui aussi, s’associer librement à son œuvre de salut. Il devient aussi un porte-parole de Dieu sur la terre, il accomplit une mission d’ange. Le mot ange en grec (ἄγγελος) signifie celui qui annonce, qui porte une nouvelle. Le mot « évangile » signifie « la bonne annonce », la bonne nouvelle de l’amour de Dieu pour l’humanité, victorieux du mal et de la mort. Voici donc la bonne nouvelle que les apôtres (mot qui signifie « envoyé ») sont envoyés apporter au monde par l’exemple de leur vie offerte par amour à l’image du Christ :

« De même que tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi, je les ai envoyés dans le monde. Et pour eux je me sanctifie moi-même, afin qu’ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité. » (Jean 17, 18-19).

Voici donc qu’un jour toute l’œuvre de Dieu sera accomplie : Jésus ayant donné sa vie et révélé par sa résurrection la victoire de l’amour divin sur le mal et sur la mort et les anges et les êtres humains qui auront partagé la volonté de Dieu, armée des cieux et de la terre resplendiront comme des étoiles au firmament, jouiront pour l’éternité de la paix de Dieu.

Dieu règne et il a remis sa royauté dans les mains de son fils, Jésus. Le mot roi désigne celui qui a soumis ses ennemis, c’est-à-dire qui a vaincu le mal. En hébreu le mot roi se dit melekh (מֶלֶך) un mot proche du mot mala’khah : la lettre aspirée’aleph n’y figure pas, l’œuvre est accomplie, le règne est éternel, nous sommes entrés dans le repos de Dieu.

Le septième jour nous parle du Royaume de cieux, de la vie divine des créatures auprès de Dieu, comblées de joie, remplies de son amour les unes pour les autres. Mais, justement, il s’agit là d’une réalité spirituelle, d’une joie, de partager la sainteté de Dieu, de l’expérience de l’amour de Dieu. C’est ainsi que lorsque Jésus veut nous parler du Royaume de Dieu, il doit utiliser des images car il est difficile de se représenter une réalité spirituelle. (Voir l’article Matthieu 13 Les paraboles du Royaume). Il sera question dans ces paraboles de semeur et de semence qui porte du fruit, de filet jeté à la mer et de poissons pêchés, mais aussi ailleurs Jésus nous parle d’un repas dans le Royaume et des invités au repas. (Voir l’article Luc 14, 15-24 Les invités au repas). En toutes ces images, il est toujours question de plénitude arrivera-t-on à remplir la salle du banquet ? Le filet pourra-t-il contenir tous les poissons ? La semence portera-t-elle du fruit à cent pour cent ? En résumé, toutes ces images nous disent que chaque créature est invitée à partager cette joie du Royaume, que chacun et chacune est invité à entrer dans le Royaume, dans la joie éternelle. Cette joie, chacun est invité à la vivre déjà sur terre en faisant l’expérience de l’amour du prochain, du don de sa vie. Il faut entrer dans cette réalité céleste lorsqu’on est encore sur la terre, c’est là que notre cœur doit s’ouvrir à accueillir son prochain, à vivre en frères et sœurs, comme les membres d’un même corps. C’est maintenant que l’amour peut donner toute sa mesure, son intensité, en étant plus fort que les épreuves, en montrant la mesure de la miséricorde de Dieu, aussi envers ses propres ennemis. C’est sur terre que l’être humain peut être conduit à la pleine expérience de l’amour de Dieu, à la plénitude, c’est maintenant qu’il peut choisir d’aimer envers et contre tout. Ce choix et cette vie feront sa gloire pour l’éternité, ils seront révélés et resplendiront comme la lumière.
C’est pour cela que le Père est toujours à l’œuvre et sa Parole, le Christ, aussi : pour nous conduire à goûter cette joie. C’est à nous, sur la terre de répondre à son invitation d’entrer dans le Royaume des cieux. Cette entrée ne se fait pas au moment de notre mort, mais bien en participant de la joie divine d’aimer comme lui il aime, sur la terre comme au ciel. Il s’agit de demander que ce Règne de Dieu vienne dans notre cœur, régner, dominer, vaincre toutes nos rivalités, jalousies, haines, manques de confiance, manques d’amour. C’est pour cela que Jésus, en nous enseignant à prier, nous invite à demander que son règne vienne et qu’il vienne au-dedans de nous, pendant que nous sommes sur la terre.

« Vous donc, priez ainsi : Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour. Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. (Matthieu 6, 9-15)

Ici, dans le récit du septième jour, tout comme dans le Notre Père, il est question de sanctification car dans le Royaume de Dieu tout est saint : le mal, les ténèbres, ont disparu. Cette réalité qui demeurera pour toujours, éternellement, est donc à chercher déjà sur la terre, c’est là que nous sommes invités à partager ce bonheur, à entrer dans la joie de Dieu. En effet, Jésus nous dit que ce Royaume s’est approché de nous, qu’il faut changer nos pensées, nos cœurs pour y entrer :

« Changez vos pensées, en effet, le Royume de Dieu s’est approché de vous. » (en grec : Μετανοεῖτε, ἤγγικεν γὰρ ἡ βασιλεία τῶν οὐρανῶν.) (Matthieu 3, 2).

C’est en Jésus que réside pleinement le Royaume de Dieu, cet amour parfait pour chacun et chacune, c’est lui qui s’est approché de nous, afin que nous aussi nous puissions entrer dans ce Royaume, participer du même amour pour notre prochain. Le mot grec, usuellement traduit par « se convertir », signifie littéralement changer la façon de penser (metanoéō, en grec μετανοέω).

Alors, une fois que nous nous serons laissés éclairer par la lumière, par la bonté divine, qui aura dissipé nos ténèbres, alors le Royaume de Dieu s’établira en nos cœurs, car le Royaume de Dieu est au-dedans de nous, nous dit Jésus :

« Le Royaume de Dieu est au-dedans de vous. » (en grec : ἡ βασιλεία τοῦ Θεοῦ ἐντὸς ὑμῶν ἐστιν). (Luc 17, 21).

Mais la tâche, l’oeuvre (mela’khah מְלָאכָה) que les créatures ont à accomplir vient après celle que Dieu a accompli. Cette mission à laquelle les anges, les prophètes, les apôtres, s’unissent, est de révéler aux êtres humains ce que Dieu a accompli pour eux. Il s’agit de conduire son prochain à l’amour qui vient de Dieu, en étant nous-mêmes témoins de cet amour, habités par cette amour. Il s’agit d’indiquer l’origine de cet amour en Dieu, en celui qui nous a aimé le premier, afin qu’on puisse y puiser à notre tour.

Jean-Baptiste, le dernier des prophètes, nous dit :

« Un homme ne peut rien s’attribuer, sinon ce qui lui est donné du Ciel. Vous-mêmes pouvez témoigner que j’ai dit : Moi, je ne suis pas le Christ, mais j’ai été envoyé devant lui… Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue. » (Jean 3, 27-28.30)

« Moi, je vous baptise dans l’eau, en vue de la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. » (Matthieu 3, 11).

Les anges, les prophètes, les apôtres orientent l’humanité vers le Christ, vers Dieu, vers l’espérance d’être aimée, pardonnée. En étant un reflet de son amour en ce monde, ils ouvrent les cœurs des êtres humains à l’amour, à croire que cet amour existe et se donne à tous ceux qui lui ouvriront la porte.

Dieu se repose de tout ce qu’il a entrepris pour conduire les hommes à la lumière. Cette lourde tâche Jésus l’a acceptée et accomplie lorsqu’il a choisi d’entrer à Jérusalem pour livrer sa vie.

« Mon Père, si cette coupe ne peut passer sans que je la boive, que ta volonté soit faite ! » (Matthieu 26, 42).

Voici que Jésus accomplit ce qui était nécessaire pour sauver l’humanité au prix de sa vie. Cette lourde tâche, cette œuvre du salut, s’arrête quand les êtres humains peuvent finalement contempler le visage de Dieu. Ainsi, pour les hommes aussi, il n’est pas question le jour du shabbat de se charger de ce fardeau, ce jour doit être un signe sur terre du bonheur éternel, toute ouvre étant déjà accomplie par le Christ, l’œuvre du salut, la victoire sur le mal, par la surabondance du pardon. En ce jour, nous nous laissons servir par Dieu, nous participons à son repos dans le repas qu’il a institué pour être UN avec lui, dans l’action de grâce, l’eucharistie.

En ce jour, l’humanité est invitée à anticiper le repas du ciel, celui où nous sommes à table avec Dieu, ayant partagé sa volonté, son désir d’être tous réunis dans l’amour en frères et sœurs :

« Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. » (Jean 15, 15).

Il s’agit donc en ce jour de faire mémoire de la victoire du Christ sur le mal et sur la mort, c’est lui qui a accompli cette œuvre, qui s’est chargé volontairement de cette tâche. C’est lui qui a vaincu le mal en premier par la surabondance de son pardon. À nous de recevoir ce pardon, c’est-à-dire le don de son amour renouvelé, d’en être remplis et de faire de même. En lui est la source de cet amour. Ainsi, l’être humain qui s’était séparé de Dieu, de la source de vie, l’être humain qui vivait dans les ténèbres, peut maintenant accueillir le pardon de Dieu, entrer de nouveau dans son alliance, puiser à nouveau à la source de la vie. Maintenant que Jésus nous a rétablis dans l’alliance avec Dieu, maintenant qu’il nous appelle ses amis, nous pouvons partager sa volonté, nous associer aussi librement au service de sa volonté, faire et accomplir aussi sa volonté sur la terre, afin de conduire l’humanité à se faire libérer de l’esclavage par le Christ, en accueillant son salut et partageant ainsi sa victoire sur le mal. Le Christ qui a vaincu le mal une fois pour toutes, à nous d’accueillir le bienfait de cette victoire, son pardon et partager ainsi cette victoire en faisant de même envers notre prochain, en pardonnant aussi. En voulant nous mettre librement au service de Dieu nous entreprendrons aussi des risques et des luttes, mais cela afin d’ouvrir une brèche dans le cœur endurci des êtres humains, afin qu’ils puissent espérer le salut promis par Dieu.

« Ainsi, par la pratique de la Loi, personne ne deviendra juste devant Dieu. En effet, la Loi fait seulement connaître le péché. Mais aujourd’hui, indépendamment de la Loi, Dieu a manifesté en quoi consiste sa justice : la Loi et les prophètes en sont témoins. Et cette justice de Dieu, donnée par la foi en Jésus Christ, elle est offerte à tous ceux qui croient. En effet, il n’y a pas de différence : tous les hommes ont péché, ils sont privés de la gloire de Dieu, et lui, gratuitement, les fait devenir justes par sa grâce, en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Car le projet de Dieu était que le Christ soit instrument de pardon, en son sang, par le moyen de la foi. C’est ainsi que Dieu voulait manifester sa justice, lui qui, dans sa longanimité, avait fermé les yeux sur les péchés commis autrefois. » (Romains 3, 20-25)

En effet, nous ne pouvons pas nous pardonner nous-mêmes, c’est-à-nous d’invoquer ce pardon auprès de Dieu et il nous l’offre, gratuitement, avec la joie du père qui accueille le fils qui est revenu à lui (voir l’article Luc 15, 11-32 Le fils prodigue). Voilà ce qui est célébré au jour de repos, la réconciliation avec Dieu, l’union avec lui dans l’action de grâce, l’eucharistie (du mot grec eucharistéō εὐχαριστέω je rends grâce, je suis reconnaissant).

Ce pardon nous permet aussi de nous réconcilier les uns avec les autres. Tout cela est résumé dans la dernière demande du notre Père, là où les enfants de Dieu après avoir reçu son pardon, remplis de son amour, se réconcilient les uns avec les autres.

« Pardonne-nous nos offenses, comme nous-mêmes nous pardonnons à ceux qui nous ont offensé. Et ne nous laisse pas entrer en tentation, mais délivre-nous du Mal. » (Matthieu 6, 12-13)

  1. L’œuvre de Dieu manifestée et accomplie dans la personne de Jésus et dans l’Église, constituée par les membres du corps du Christ :
    C’est le repas eucharistique inauguré par Jésus qui sera célébré par les chrétiens le jour du repos. Ce repas qui réunit les disciples afin qu’ils reçoivent le pardon de la part de Jésus, le pardon qu’il a offert à la multitude en acceptant de verser son sang sur la croix :

« Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. » (Matthieu 26, 27-28).

Le jour du shabbat, le jour du repos de Dieu, nous nous laissons servir par lui, pardonner, réconcilier par lui, nous réunir à lui par une alliance nouvelle et éternelle.

« Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » (Marc 10, 45).

Nous accueillons donc cette vie, donnée afin que l’humanité aie la paix, dans le pardon de Dieu, c’est-à-dire le don renouvelé de son amour, offert à tous ceux qui viennent vers lui pour le recevoir, gratuitement. Recevoir le pardon de Dieu ne signifie pas seulement l’effacement des fautes, mais bien plus : cela signifie pouvoir recevoir à nouveau le don de la vie divine de laquelle l’humanité s’est séparée par son égarement. Accueillir le don de Dieu signifie être rétablis dans l’alliance dans la pleine communion avec lui, recevoir sa vie signifie être accueillis comme ses propres enfants, participer de son propre esprit :

« Au jour solennel où se terminait la fête, Jésus, debout, s’écria : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Écriture : De son cœur couleront des fleuves d’eau vive. » En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint qu’allaient recevoir ceux qui croiraient en lui. En effet, il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas encore été glorifié. » (Jean 7, 37-39).

En effet, avant que Jésus meure sur la croix, l’humanité n’avait pas encore reçu son Esprit, c’est-à-dire le don de sa vie, le don renouvelé de l’amour de Dieu qui n’a pas regardé nos mérites mais a donné sa vie pour nous tous. Cette vie nous révèle son amour et nous remplit d’amour à notre tour, de reconnaissance, de gratitude et confiance filiale : nous aussi nous pouvons remettre notre vie entre ses mains, confiants en son pardon.

Le repos du jour du shabbat avant l’avènement du Christ célébrait donc la victoire de la lumière sur les ténèbres. Cette victoire s’est révélée en Jésus Christ et voici que le 7ème jour est devenu le passage de l’être humain à la pleine lumière, où il peut contempler le visage de Dieu, l’immensité de sa miséricorde. Ce jour fait donc entrer l’être humain dans l’éternité de Dieu, ce jour est devenu pour les Chrétiens le passage au 8ème jour, celui d’un temps qui se trouve au-delà de notre temps, le temps de la résurrection, de la vie éternelle. Cette vie est déjà commencée en ceux qui ont reçu le pardon de Dieu et ont été ainsi introduits dans la vie éternelle.

« Qui écoute ma parole et croit en Celui qui m’a envoyé, obtient la vie éternelle et il échappe au jugement, car déjà il passe de la mort à la vie. » (Jean 5, 24).

Les chrétiens ont donc célébré dans le vendredi saint le jour où le Christ est mort sur la croix, le samedi il a reposé dans le tombeau et en entrant dans la mort pour nous, il nous a arraché à la mort, au mal et nous a ainsi permis d’entrer dans le repos de Dieu, dans la résurrection qui est donc célébrée le dimanche, figurant ainsi un 8ème jour, un jour où l’être humain ne vit plus selon le mode terrestre, un jour hors de ce monde, où l’être humain anticipe déjà la réalité éternelle, spirituelle, de sa victoire définitive sur le mal. En ce jour, plus aucun travail, plus d’œuvre servile, mais seulement faire le bien est permis. Voici donc Jésus qui, accomplissant un miracle le jour du shabbat, en explique le sens :

« Jésus leur dit : « Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de la perdre ? » Alors, promenant son regard sur eux tous, il dit à l’homme : « Étends la main. » Il le fit, et sa main redevint normale. » (Luc 6, 9-10).

Voici donc que l’homme dont la main était desséchée et qui ne pouvait pas travailler au bien est guéri.

Il y a donc un moment pour se laisser servir par Dieu, pour accueillir l’amour de celui qui nous a aimé le premier, qui a accompli l’œuvre du salut. Un moment pour se reposer en lui.

« Quant à nous, nous aimons parce que Dieu lui-même nous a aimés le premier. » (1 Jean 4, 19).

« Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » (Jean 13, 4-8)

« Chemin faisant, Jésus entra dans un village. Une femme nommée Marthe le reçut. Elle avait une sœur appelée Marie qui, s’étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Quant à Marthe, elle était accaparée par les multiples occupations du service. Elle intervint et dit : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur m’ait laissé faire seule le service ? Dis-lui donc de m’aider. » Le Seigneur lui répondit : « Marthe, Marthe, tu te donnes du souci et tu t’agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée. » (Luc 10, 38-42).

Voilà des exemples de ceux qui se sont laissés servir par Jésus, qui ont accueilli celui qui vient nous sauver, nous laver de nos fautes et nous faire assoir à table avec lui, afin que nous soyons en lui et lui en nous.

Donc, cette œuvre de Dieu (mala’khah) est arrivée au 7ème jour à sa plénitude, à son comble : un royaume rempli, comblé par les envoyés, les messagers de Dieu, anges, apôtres, êtres humains qui reflètent la lumière de Dieu qu’ils contemplent, réconciliés avec Dieu et entre eux. Revenant, ainsi, au premier verset : « Et les cieux et la terre furent complétés et toute leur armée » (Genèse 2, 1), nous voyons ce royaume rempli d’anges et êtres humains ayant accompli leur mission d’annoncer la vie du Royaume des cieux. Les hommes qui ont vécu sur la terre considérant chaque être humain comme un frère ou une sœur ont répandu la bonne nouvelle par l’exemple de leur vie. Dans les premiers siècles de l’Église, on appelait aussi « anges » les évêques qui présidaient une communauté.

Voici, ce que nous dit Jésus lui-même :

« Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont comme les anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection. » (Luc 20, 35-36)

Or, c’est par la foi qu’on naît à la vie nouvelle d’enfants de Dieu, c’est cela qu’est signifié par le baptême, le passage de la mort à la vie, à la vie nouvelle d’enfants de Dieu qui puisent tous leur vie, leur amour, à la même source divine. Reconnaissant, donc, une seule source à l’origine de toute vie, ils sont prêts à accueillir un frère ou une sœur en chaque être humain. Être enfant de Dieu, vivre en enfant de Dieu, cela ne doit pas être compris dans un sens restrictif car tout être humain qui fera l’expérience du don de sa vie pour son prochain, fera l’expérience du même amour divin, qu’il le fasse en tant que croyant ou non. En effet, Jésus lui-même nous dit que lorsque ceux qui ne le connaissent pas resusciteront, s’entendront dire que l’amour qu’ils auront porté à leur prochain aura été pour eux une véritable expérience de l’amour de Dieu, une véritable rencontre de Dieu, même s’ils n’en étaient pas conscients. Voici le dialogue entre Jésus et la foule de ceux qui, ne le connaissant pas sur terre, ont néanmoins fait l’expérience de l’amour qui les rends semblables et participants de Dieu.

« Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs : il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche. Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde. Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !” Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ? tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ? tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?” Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.” (Matthieu 25, 31-40)

Cette armée céleste de porteurs de bonne nouvelle, dans laquelle la vie et l’amour de Dieu resplendissent est donc formées par les anges et ceux qui sont devenus comme des anges, reflet de l’amour de Dieu sur la terre, par leurs œuvres.

  1. L’œuvre de Dieu manifestée en chacun des membres du corps du Christ :

On remarque que le récit du 7ème jour, où Dieu achève son œuvre, ne se termine pas par le constat habituel des premiers six : « il fut soir et il fut matin ». En effet, il s’agit d’un passage des ténèbres à la lumière qui est définitif. Cette fois, c’est la lumière de Dieu lui-même qui resplendit en chacun et chacune.

« La nuit aura disparu, ils n’auront plus besoin de la lumière d’une lampe ni de la lumière du soleil, parce que le Seigneur Dieu les illuminera ; ils régneront pour les siècles des siècles. » (Apocalypse 22, 5).

Il s’agit donc d’entrer dans le repos de Dieu, dans la Jérusalem céleste où seulement l’amour de Dieu subsiste entre ses enfants.

C’est le Royaume de Dieu, le Royaume des cieux, dans lequel nos cœurs, notre esprit, peuvent déjà demeurer. On peut déjà entrer, dès cette vie, dans le Royaume de cieux. Il s’établit en nous lorsqu’en nous-mêmes se vit cette réconciliation, cet accueil inconditionnel de notre prochain, c’est alors que le Royaume des cieux est en nous. Ce Royaume est Jésus-Christ lui-même, en qui l’amour règne, en qui s’est accomplie la victoire de la lumière sur les ténèbres, en qui seule la lumière demeure. Il nous invite constamment à y entrer, à entrer dans cette réalité spirituelle où nous tous nous ne formons plus qu’un, membres d’un même corps, d’une même famille.

« Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux. Et celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m’accueille, moi. » (Matthieu 18, 3-5).

Il nous invite à retrouver la confiance des enfants en leurs parents, la bienveillance des enfants qui offrent leur sourire à chacun, sans distinguer le riche, le pauvre, le jeune, le vieux, le concitoyen ou l’étranger. Les enfants, les tout petits, nous offrent un autre regard sur la vie, ils accueillent dans la gratuité et la confiance l’amour de leurs parents. Jésus nous invite ainsi à retrouver cette confiance en celui qui nous a donné la vie et à accueillir en chacun un frère, une sœur.

Cette volonté de former une seule et nouvelle famille se retrouve tout au long de la vie de Jésus :

« Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? » Puis, étendant la main vers ses disciples, il dit : « Voici ma mère et mes frères. Car celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. » (Matthieu 12, 48-50)

De même en ses derniers mots sur la croix, Jésus s’adresse à Marie, sa mère en l’appelant « femme » car qui reçoit la vie de Dieu par la foi forme une nouvelle famille, donne naissance à de nouveaux enfants, engendrés à une vie nouvelle et rassemblés dans une nouvelle famille par la foi :

« Jésus, voyant sa mère, et près d’elle le disciple qu’il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » (Jean 19, 26-27)

Et ensuite, avant d’expirer, Jésus dit : « Tout est accompli », ainsi s’achève l’œuvre de la création. Là où Dieu vit que cela était très bon et ensuite se reposa de tout ce qu’il avait fait. C’est là que nous aussi entrons dans le royaume de Dieu, dans le repos de Dieu, dans le septième jour lorsque par son amour, par la vie qu’il nous a donné, nous ne formons plus qu’un, avec lui et entre nous, comme les membres d’un même corps, réalisant son œuvre de paix, lumière et beauté.

Selon les paroles de Dieu adressées au peuple juif par Moïse, Dieu invite les croyants à entrer dans son repos. Cela est une invitation à vivre déjà sur la terre un jour au cours duquel l’être humain s’abstient de faire des œuvres mauvaises, se réconcilie et célèbre en groupe, en communauté, dans l’action de grâce, ce que Dieu a créé pour être dans la paix, l’amour réciproque, pour être dans la joie éternelle. Il s’agit de devancer sur terre la pleine réalisation de l’œuvre de Dieu, où le mal sera définitivement vaincu. Voici les paroles de Dieu rapportées par Moïse :

« Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage ; mais le septième jour est le jour du repos, sabbat en l’honneur du Seigneur ton Dieu : tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’immigré qui est dans ta ville. Car en six jours le Seigneur a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour. C’est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l’a sanctifié. » (Exode 20, 8-15).

Travail de serviteur, si tu es asservi aux œuvres mauvais ou bien mission d’apôtres, d’envoyés, si tu travailles au Royaume de Dieu pour porter la lumière de Dieu sur la terre.
Dans le vocabulaire de Jésus le travail d’esclave est l’œuvre mauvaise, l’asservissement au mal :

« Jésus leur dit : « Je vous le demande : Est-il permis, le jour du sabbat, de faire le bien ou de faire le mal ? de sauver une vie ou de la perdre ? » (Luc 6, 9)

Une fois par semaine, les croyants sont invités à vivre un moment de grâce, comme s’ils étaient déjà au ciel. Mais ce n’est pas tout, non seulement ils sont invités à goûter à cette paix du ciel une fois par semaine, mais il y avait aussi une prescription dans l’ancien testament qui les invitait à arrêter de travailler pendant une année entière, chaque sept ans et se nourrir des fruits de la terre. Et, encore plus, après avoir compté 7 fois sept ans, au cours de la cinquantième année, chaque être humain retrouve sa liberté, n’est plus obligé de travailler et retrouve même la propriété de ses terres. Cette cinquantième année est appelée année jubilaire :

« Le Seigneur parla à Moïse sur le mont Sinaï et dit : « Parle aux fils d’Israël. Tu leur diras : Lorsque vous entrerez dans le pays que je vous donne, la terre observera un repos sabbatique pour le Seigneur. Pendant six ans tu ensemenceras ton champ, pendant six ans tu tailleras ta vigne, et tu récolteras les produits de la terre. Mais la septième année, ce sera un sabbat, un sabbat solennel pour la terre, un sabbat pour le Seigneur : tu n’ensemenceras pas ton champ, tu ne tailleras pas ta vigne, tu ne moissonneras pas ce qui aura poussé tout seul depuis la dernière moisson, et tu ne vendangeras pas les grappes de ta vigne non taillée ; ce sera une année sabbatique pour la terre. Ce que la terre aura fait pousser pendant ce repos sabbatique, vous vous en nourrirez, toi, ton serviteur, ta servante, et le salarié ou l’hôte qui résident chez toi. Tous ses produits serviront de nourriture à ton bétail et aux bêtes qui sont dans le pays. 
Vous compterez sept semaines d’années, c’est-à-dire sept fois sept ans, soit quarante-neuf ans. Le septième mois, le dix du mois, en la fête du Grand Pardon, vous sonnerez du cor pour l’ovation ; ce jour-là, dans tout votre pays, vous sonnerez du cor. Vous ferez de la cinquantième année une année sainte, et vous proclamerez la libération pour tous les habitants du pays. Ce sera pour vous le jubilé : chacun de vous réintégrera sa propriété, chacun de vous retournera dans son clan. Cette cinquantième année sera pour vous une année jubilaire : vous ne ferez pas les semailles, vous ne moissonnerez pas le grain qui aura poussé tout seul, vous ne vendangerez pas la vigne non taillée. Le jubilé sera pour vous chose sainte, vous mangerez ce qui pousse dans les champs. En cette année jubilaire, chacun de vous réintégrera sa propriété. » (Lévitique 25, 1-13).

L’être humain a été créé pour goûter à cette paix, à cette harmonie, mais il est vrai que sur cette terre cela est difficile à réaliser et pourtant c’est cela que Jésus est venu accomplir : conduire l’être humain à la pleine réalisation de la paix de Dieu, l’arracher aux ténèbres, de la division, de la haine, des violences. La vraie liberté dont il nous parlera, sera celle d’être libéré du mal, de l’enchaînement des violences par le pardon. C’est à ce moment que les aveugles verront, que les êtres humains dans les ténèbres trouveront la lumière de la paix, s’ils seront prêts à se réconcilier. Ils retrouveront l’ouïe s’ils comprendront le bonheur auquel les conduisent les paroles de Dieu. Ils se tiendront debout et ils marcheront devant Dieu et devant les hommes lorsqu’ils œuvreront pour la justice. Voici, donc, que Jésus est venu véritablement accomplir cette année de bienfaits, cette année jubilaire. Il est venu libérer l’être humain de ce qui le retenait captif. Ce que les prophètes avaient annoncé, mais que les êtres humains n’arrivent pas à accomplir, il va le réaliser pour eux, il va les conduire vers cette année jubilaire que personne n’arrive à réaliser sur la terre. Voici ses paroles prononcées à la synagogue de Nazareth :

« Lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. »
Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui.
Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » (Luc 4, 14-21)

Voici Jésus qui annonce l’année jubilaire, l’année favorable accordée par le Seigneur. C’est le Royaume des cieux qui est venu, descendu, jusqu’à nous afin qu’il puisse régner dans nos cœurs, afin que la paix entre les enfants de Dieu règne dans le cœur de chacun et chacune. Ainsi, ce jour sur terre consacré à anticiper cette vie du Royaume des cieux sur terre, ce jour de communion et paix qui était célébré le jour du Shabbat, c’est-à-dire le septième jour de la semaine, le samedi, trouve avec l’avènement du Christ un nouvel accomplissement. En effet, entrer dans le Royaume des cieux signifie passer à une nouvelle vie, signifie mourir au mal et partager la victoire du Christ sur le mal et la mort qui peut régner dans nos cœurs même lorsque nous sommes vivants. Ce passage de la mort à la vie, célébré dans le baptême, unit le croyant à la mort du Christ, advenue le vendredi saint et le fait passer, à travers le repos dans le tombeau du samedi, au dimanche de la résurrection. Mais cette vie nouvelle de résurrection signifie déjà notre entrée dans la vie éternelle dès cette terre, nous entrons dans la relation filiale éternelle avec Dieu le Père de toute vie. Donc, le dimanche sera appelé par les premiers chrétiens le huitième jour, un jour hors de notre temps terrestre, qui nous fait entrer dans l’éternité de Dieu, dans le repos éternel auprès de lui.

Ainsi, lorsque Jésus, au cours de ses pérégrinations rencontre des familles dans le deuil, qui lui montrent leur mort, il dira qu’il repose. C’est ce qui se passe dans le dialogue avec la sœur de Lazare : Jésus dit que Lazare repose et elle proteste qu’il est mort depuis quatre jours et qu’il sent déjà. Mais, Jésus parle d’un repos auprès de Dieu, d’une vie qui ne connaît pas la mort, mais se transforme pour aller vers la contemplation de Dieu. Jésus dit explicitement dans l’Évangile :

« Amen, amen, je vous le dis : si quelqu’un garde ma parole, jamais il ne verra la mort. » (Jean 8, 51)

Par contre, des personnes en bonne santé peuvent bien être mortes spirituellement, coupées de la relation d’amour avec leur prochain, coupées de la source de vie éternelle, de joie et d’amour qui est en Dieu.

« Jésus dit à Marthe : « Moi, je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? » (Jean 11, 25-26)

Jésus nous introduit à la vie du Royaume, il nous fait naître à nouveau à la relation filiale et confiante avec Dieu, source de vie éternelle. C’est ce qui est signifié par le baptême. Mais ensuite, ce nouveau-né par la foi, devra aussi grandir, se nourrir, il aura besoin d’une nourriture qui l’enracine dans la foi, c’est-à-dire qui l’aide à mettre en pratique ce en quoi il croit. Entrer dans la vie éternelle signifie entrer dans une réalité spirituelle où nous sommes tous frères et sœurs les uns des autres. Entreprendre un tel chemin qui propose l’amitié, le pardon, là où il y a l’offense, la division, la rivalité, n’est pas un chemin facile, combien de fois cela sera au-dessus de nos forces ? C’est à cette fin que Jésus offre une nourriture qui va fortifier nos liens d’amour, d’amitié. Cette nourriture réalise une union entre les êtres humains et Dieu, c’est-à-dire avec Jésus qui s’est fait l’un de nous afin que nous puissions être unis à lui. Ainsi, au dernier repas, il prendra du pain, formé d’une multitude de graines, et en le donnant à ses disciples, il dira : « Ceci est mon corps. » Cela implique qu’en le mangeant comme une vraie nourriture, de même que nous incorporons cette nourriture qui sera assumée par les cellules de notre corps, de même nous pourrons assumer la vie divine en nous et l’amour de Dieu pourra nous rassembler comme les graines de froment sont rassemblées pour ne former plus qu’un seul pain. Ce repas sacré, fait participer les êtres humains de la divinité qui est amour, les êtres humains remplis de l’amour de Dieu ne peuvent plus rien d’autre que former un même corps animé par la vie et l’amour divin. En assumant cette nourriture, nous unissant au Christ, nous devenons les membres de son corps, nous devenons membres les uns des autres, les uns au service des autres.

Et Jésus prendra aussi la coupe remplie de vin, également formé à partir d’une multitude de graines de raisin pour signifier que de même qu’une goutte d’eau, versée dans le vin, se transforme en vin, ainsi notre humanité participe de la vie divine qui se répand en nous comme le sang qui circule en nos veines porteur de vie. La coupe de vin, couleur du sang, sera aussi l’image du Christ qui accepte la passion, il accepte de verser son sang par amour pour nous et à ceux qui accueillent le don de sa vie, il donne d’être enfants de Dieu.

Tout cela sera célébré par les chrétiens au jour du dimanche. Ce jour sera le shabbat des chrétiens, c’est-à-dire le jour où ils arrêtent de travailler pour se rencontrer. Jésus explique aussi longuement aux juifs de son temps qu’est-ce-que signifie originellement le shabbat. Cela signifie de s’abstenir de tout travail d’esclave, c’est-à-dire que notre esclavage, ce qui nous retient captif c’est l’enchainement des violences, c’est le mal. Jésus, le Christ, vient libérer les êtres humains de cet esclavage, donc, dans le jour qui célèbre le Royaume des cieux sur terre, ce dont il faut s’abstenir c’est de faire le mal, afin de vivre une communion plus grande avec son prochain, afin de ne faire plus qu’un, participant tous au même repas, se nourrissant de la même nourriture qui renforce nos liens d’amour fraternel, cette nourriture qui fait de nous les membres d’un même corps.

En effet, le repas eucharistique, c’est-à-dire d’action de grâce, a été inauguré par Jésus au soir où le peuple hébreu faisait mémoire de la Pâque juive. Cet ancien rituel célèbre le jour où le peuple a été libéré de l’esclavage en terre d’Égypte et s’est laissé conduire par Dieu vers la terre promise. L’esclavage matériel, physique, de ce peuple sous le joug de Pharaon est devenu une image de la réalité spirituelle de l’être humain asservi aux œuvres mauvaises, au mal et sa libération est devenue l’image du passage à une vie nouvelle où le pardon de Dieu, c’est-à-dire le don renouvelé de sa vie, scelle avec nous une alliance nouvelle, nous introduisant à une relation filiale avec lui. (Voir l’article Le repas eucharistique).

Ainsi, tout comme au septième jour de la création Dieu achève son œuvre qui consiste à conduire l’être humain des ténèbres à la lumière, à la pleine communion et union avec lui, de même le Christ nous introduit au repas d’alliance et d’action de grâce dans lequel se vit l’union des créatures à Dieu et par lui l’union des créatures entre elles grâce à la vie qu’elles reçoivent de Dieu. Ce repas qui rassemble les êtres humains entre eux et les unit à Dieu dans l’action de grâce célèbre justement le jour du shabbat, le jour du repos. Le jour où le croyant remet et confie son âme à Dieu afin de reposer en lui. Cela est aussi le repos de Dieu au sujet duquel Jésus s’exprime en disant que Dieu peut ainsi demeurer en nous. À nous d’ouvrir la porte, de le laisser entrer, alors il nous servira et nous serons en lui et lui en nous. C’est la paix et le repos du repas d’action de grâce pour tout ce que Dieu fait pour nous qui nous permet de vivre la relation filiale, confiante.